Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/192

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riaux en bleu, Soudanais en jaune, dans le vent, sous les averses, sous les obus, et malgré le défilé de camions, d’automobiles qui sans cesse les dérangent et les éclaboussent. Pour surcroît de méli-mélo, il y a aussi des files piteuses de Boches, prisonniers qui nous sont ramenés sous escorte de cavaliers français et dont le nombre va grossissant d’heure en heure ; je crois qu’ils ont perdu pour tout de bon cette fois leur belle arrogance allemande ; le nez bas, le regard fuyant, figures fadasses et paires de lunettes, sous des petits « bonnets grecs » comme ceux que portent les vieillards chez nous, ils sont certainement moins décoratifs que devaient être les Goths ou les Huns ; mais ils appartiennent à une variété de Barbares beaucoup plus mauvaise encore et plus dangereuse que n’étaient ces lointains précurseurs… Passent aussi quelques civières, que l’on porte au plus prochain poste de secours, bien que nous ayons eu relativement très peu de blessés pour une offensive de si vaste envergure ; il en passe même, hélas ! de ces humbles civières de toile, que l’on salue plus respectueusement que les autres, et où rien ne bouge plus, sous la bâche recou-