Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/44

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stupéfiant chaos, qui tient du macabre et du grotesque.

Une église isolée passe à son tour ; il n’en reste plus debout que le mur du fond avec le tabernacle et, à côté d’une vierge qui n’a plus de tête, un vase doré conserve encore son bouquet de lys artificiels.

Un orage, un vrai, pas celui de l’artillerie, commence de gronder lui aussi dans l’air, et le ciel se couvre de nuages tragiques… Vite, toujours vite, j’arrive en vue de la ville où j’ai affaire, et qui vraiment ne ressemble plus à rien de connu. À l’entrée, s’élèvent d’étonnants dépôts de ferraille, résultat d’un premier déblayage opéré par nos soldats, et il y a de tout dans ces petites montagnes de débris ; on y reconnaît des poêles, des ustensiles de ménage, des pièces de fonte tombées des charpentes et quantité de lits en fer, tout tordus, il va sans dire, parmi lesquels beaucoup de lits d’enfants… Où donc sont-ils, les pauvres petits qui dormaient là ?…

Dans la ville même, les travailleurs du « gracieux kaiser » ont vraiment atteint l’idéal de la destruction. Ce n’est pas exagéré, c’est la stricte vérité de dire qu’il ne reste