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MADAME CHRYSANTHÈME

fleurs de madame Prune, alignés dans l’obscurité, répandent leur bonne odeur suave du soir. Nous traversons ce jardin, au clair de lune ou des étoiles, et nous montons chez nous.

S’il est très tard, — ce qui arrive quelquefois, — nous trouvons en rentrant tous nos panneaux de bois tirés et fermés par les soins de M. Sucre (précaution contre les voleurs), notre appartement clos comme une vraie chambre européenne.

Il y a, dans cette maison ainsi calfeutrée, une étrange odeur mêlée à celle du musc et des lotus ; une intime odeur de Japon, de race jaune, qui est montée du sol ou qui est sortie des boiseries antiques ; — presque une fétidité de fauve. Le tendelet de gaze bleu-nuit, disposé pour notre coucher, descend du plafond avec un air de vélum mystérieux. Le Bouddha doré sourit toujours devant ses veilleuses qui brûlent ; quelque phalène habituée du logis, qui dormait dans le jour collée à notre plafond, tournoie maintenant sous le nez du dieu, autour des deux petites flammes grêles. Et sur le mur, plaquée, les pattes en étoile, sommeille quelque grosse araignée des jardins, — qu’il ne faut pas tuer parce que c’est le soir. — « Hou ! »