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MADAME CHRYSANTHÈME

papillons nocturnes. Surtout, il y a le mystère de leurs tout petits yeux, tirés, bridés, retroussés, pouvant à peine s’ouvrir ; le mystère de leur expression qui semble indiquer des pensées intérieures d’une saugrenuité vague et froide, un monde d’idées absolument fermé pour nous. — Et je songe, en les dévisageant : comme nous sommes loin de ce peuple japonais, comme nous sommes de race dissemblable !…

Il faut laisser passer ensuite plusieurs matelots anglais arrivés avant nous, bien pomponnés dans leurs vêtements de toile blanche, bien frais, bien gras, bien roses comme des bonshommes en sucre, qui posent avec des airs niais sur des fûts de colonnes.

Notre tour vient enfin ; Chrysanthème s’arrange avec lenteur, d’une manière très cherchée, tournant le plus possible les pointes de ses pieds en dedans, à la façon élégante.

Et, sur le cliché qu’on nous montre, nous avons l’air d’une petite famille bien ridicule, alignée devant un photographe de foire.