Page:Loti - Madame Chrysanthème, 1899.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
265
MADAME CHRYSANTHÈME

Cette petite Chrysanthème, nous l’avions tout à fait oubliée !

Quand nous arrivons à Diou-djen-dji, par une nuit d’étoiles, c’est la musique de son chamécen, entendue de loin, qui nous rappelle son existence : elle étudie quelque nocturne à deux voix avec mademoiselle Oyouki, son élève.

Je me sens de très bonne humeur ce soir, délivré de mes soupçons absurdes sur mon pauvre Yves, très disposé à jouir sans arrière-pensée de mes derniers jours de Japon et à m’en amuser le plus possible.

Étendons-nous sur les nattes fraîches et écoutons le duo étrange de ces mousmés : une sorte de mélopée lente et lugubre, qui commence sur deux ou trois notes hautes, — et puis qui descend, qui descend à chaque couplet, d’une manière presque insensible, jusqu’à devenir très grave. Le chant conserve tout le temps sa traînante lenteur ; mais l’accompagnement qui s’enfle peu à peu est comme un bruit de bourrasque lointaine. À la fin, quand ces voix de petites filles, ordinairement douces, donnent des notes basses et rauques, les mains de Chrysanthème, crispées sur les cordes vibrantes,