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MADAME CHRYSANTHÈME

n’ai-je pas la sûreté ni la prestesse manuelle de M. Sucre lorsqu’il groupe ses charmantes cigognes, mais je possède quelques notions de perspective qui lui manquent ; et puis on m’a enseigné à rendre les choses comme je les vois, sans leur donner des attitudes ingénieusement outrées et grimaçantes ; alors ces trois Japonaises sont émerveillées de l’air réel de mon croquis.

En poussant des petits cris admiratifs, elles se montrent du doigt les objets, à mesure que leur forme et leur ombre s’ébauchent en noir sur mon papier. Chrysanthème me regarde avec une nuance nouvelle d’intérêt :

Anata itchiban ! dit-elle. (Littéralement : « Toi premier ! » ce qui signifie : « Tu es tout à fait un personnage de premier brin ! »)

Mademoiselle Oyouki surenchérit encore sur

cette appréciation et s’écrie dans un élan d’enthousiasme :

Anata bakari ! (« Toi seul ! » c’est-à-dire : « Il n’y a que toi au monde ; tous les autres, auprès de toi, ne sont que négligeable fretin. »)

Madame Prune ne dit rien, elle, mais je vois bien qu’elle n’en pense pas moins ; ses poses alanguies,