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MADAME CHRYSANTÈME

lointains ; et les navires — petites choses immobiles qui ont forme de poisson, vues d’où nous sommes, et qui semblent dormir aussi, — petites choses qui servent à aller ailleurs, à aller très loin et à oublier.

Elles vont rebrousser chemin, ces trois dames, car la nuit est déjà avancée, et plus bas, les quartiers cosmopolites des quais ne sont pas sûrs, à cette heure indue.

Le moment est donc venu pour Yves — qui, lui, ne remettra plus les pieds à terre, — de faire ses grands adieux aux mousmés ses amies.

Or, je suis très curieux de cette séparation d’Yves et de Chrysanthème ; j’écoute de toutes mes oreilles, je regarde de tous mes yeux : — cela se passe de la manière la plus simple et la plus tranquille ; rien de ce déchirement qui sera inévitable entre madame Prune et moi ; chez ma mousmé, je remarque même un détachement, une désinvolture qui me confondent ; vraiment, je ne comprends plus.

Et je songe en moi-même, tout en continuant de descendre vers la mer : « Ce semblant de tristesse chez elle, ce n’était donc pas pour Yves… Pour