Page:Loti - Madame Chrysanthème, 1899.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
298
MADAME CHRYSANTÈME

de leurs maisonnettes ouvertes. — Ouvriers accroupis, sculptant avec des outils imperceptibles ces ivoires drolatiques ou odieusement obscènes, ces étonnantes merveilles d’étagère qui font tant apprécier, par certains collectionneurs d’Europe, ce Japon jamais vu. — Peintres inconscients, jetant à main levée, sur fond de laque, sur fond de porcelaine, des dessins appris par cœur ou transmis dans leur cervelle par une hérédité millénaire ; peintres automates, traçant des cigognes pareilles à celles de M. Sucre, ou d’inévitables petits rochers, ou d’éternels petits papillons… Le moindre de ces enlumineurs, à la très insignifiante figure sans yeux, possède au bout des doigts le dernier mot de ce genre décoratif, léger et spirituellement saugrenu, qui tend à nous envahir en France, à notre époque de décadente imitation, et devient déjà chez nous la grande ressource des fabricants d’objets d’art à bon marché.

Est-ce parce que je vais quitter ce pays, parce que je n’y ai plus d’attache, plus de gîte et que mon esprit est déjà un peu ailleurs, — je ne sais, mais il me semble que je ne l’avais jamais vu aussi