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MADAME CHRYSANTHÈME

D’ailleurs, ce type de femme que les Japonais peinent de préférence sur leurs potiches est presque exceptionnel dans leur pays. On ne trouve guère que dans la classe noble ces personnes à grand visage pâle peint en rose tendre, ayant un long cou bête et un air de cigogne. Ce type distingué (qu’avait mademoiselle Jasmin, je le reconnais) est rare, surtout à Nagasaki.

Dans la bourgeoisie et dans le peuple, on est d’une laideur plus gaie, qui va jusqu’à la gentillesse souvent. Toujours les mêmes yeux trop petits, pouvant à peine s’ouvrir, mais des figures plus rondes, plus brunes, plus vives ; chez les femmes, un certain vague dans les traits, quelque chose de l’enfance qui persiste jusqu’à la fin de la vie.

Et si rieuses, si joyeuses, toutes ces petites poupées nipponnes ! — D’une joie un peu voulue, il est vrai, un peu étudiée et sonnant faux quelquefois ; mais tout de même on s’y laisse prendre.

Chrysanthème est à part, parce qu’elle est triste. Qu’est-ce qui peut bien se passer dans cette petite tête ? Ce que je sais de son langage m’est encore insuffisant pour le découvrir. D’ailleurs, il y a