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MADAME CHRYSANTHÈME

Nous dormons sous un vélum de gaze d’un bleu vert très sombre, d’une couleur de nuit, tendu sur des rubans d’un jaune orange. (Ce sont des nuances consacrées, et tous les ménages comme il faut, à Nagasaki, ont un vélum pareil.) Il nous enveloppe comme une tente ; les moustiques et les phalènes viennent danser autour.

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Tout cela est presque joli à dire ; écrit, tout cela fait presque bien. — En réalité, pourtant, non ; il y manque je ne sais quoi, et c’est assez pitoyable.

Dans d’autres pays de la terre, en Océanie dans l’île délicieuse, à Stamboul dans les vieux quartiers morts, il me semblait que les mots ne disaient jamais autant que j’aurais voulu dire, je me débattais contre mon impuissance à rendre dans une langue humaine le charme pénétrant des choses.

Ici, au contraire, les mots, justes cependant, sont trop grands, trop vibrants toujours ; les mots embellissent. Je me fais l’effet de jouer pour moi-même quelque comédie bien piètre, bien banale,