Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/134

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choses drôles à son petit-fils, elle n’avait rien trouvé, non, mais c’étaient des larmes qui avaient envie de venir, les sanglots qui, à chaque instant, lui montaient à la gorge. Suspendue à son bras, elle lui faisait mille recommandations qui, à lui aussi, donnaient l’envie de pleurer. Et ils avaient fini par entrer dans une église pour dire ensemble leurs prières.

C’est par le train du soir qu’elle s’en était allée. Pour économiser, ils s’étaient rendus à pied à la gare ; lui, portant son carton de voyage et la soutenant de son bras fort sur lequel elle s’appuyait de tout son poids. Elle était fatiguée, fatiguée, la pauvre vieille ; elle n’en pouvait plus, de s’être tant surmenée pendant trois ou quatre jours. Le dos tout courbé sous son châle brun, ne trouvant plus la force de se redresser, elle n’avait plus rien de jeunet dans la tournure et sentait bien toute l’accablante lourdeur de ses soixante-seize ans. À l’idée que c’était fini, que dans quelques minutes il faudrait le quitter, son cœur se déchirait d’une manière affreuse. Et c’était en Chine qu’il s’en allait, là-bas, à la tuerie ! Elle l’avait encore là, avec elle : elle le tenait encore de ses deux pauvres