Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/15

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patronne de ces marins, et peinte avec un art encore naïf. Mais les personnages en faïence se conservent beaucoup plus longtemps que les vrais hommes ; aussi sa robe rouge et bleue faisait encore l’effet d’une petite chose très fraîche au milieu de tous les gris sombres de cette pauvre maison de bois. Elle avait dû écouter plus d’une ardente prière, à des heures d’angoisses ; on avait cloué à ses pieds deux bouquets de fleurs artificielles et un chapelet.

Ces cinq hommes étaient vêtus pareillement, un épais tricot de laine bleue serrant le torse et s’enfonçant dans la ceinture du pantalon ; sur la tête, l’espèce de casque en toile goudronnée qu’on appelle suroît (du nom de ce vent de sud-ouest qui dans notre hémisphère amène les pluies).

Ils étaient d’âges divers. Le capitaine pouvait avoir quarante ans ; trois autres, de vingt-cinq à trente. Le dernier, qu’ils appelaient Sylvestre ou Lurlu, n’en avait que dix-sept. Il était déjà un homme, pour la taille et la force ; une barbe noire, très fine et très frisée, couvrait ses joues ; seulement il avait gardé ses yeux d’enfant, d’un gris bleu, qui étaient extrêmement doux et tout naïfs.