Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/212

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yeux s’efforçaient à percer les impalpables mousselines blanches qui restaient tendues partout dans l’air.

Puis il s’éloignait, les beuglements de sa trompe mouraient dans le lointain sourd ; alors on se retrouvait seul dans le silence, au milieu de cet infini de vapeurs immobiles. Tout était imprégné d’eau ; tout était ruisselant de sel et de saumure. Le froid devenait plus pénétrant ; le soleil s’attardait davantage à traîner sous l’horizon ; il y avait déjà de vraies nuits d’une ou deux heures, dont la tombée grise était sinistre et glaciale.

Chaque matin on sondait avec un plomb la hauteur des eaux, de peur que la Marie ne se fût trop rapprochée de l’île d’Islande. Mais toutes les lignes du bord filées bout à bout n’arrivaient pas à toucher le lit de la mer : on était donc bien au large, et en belle eau profonde.

La vie était saine et rude ; ce froid plus piquant augmentait le bien-être du soir, l’impression de gîte bien chaud qu’on éprouvait dans la cabine en chêne massif, quand on y descendait pour souper ou pour dormir.

Dans le jour, ces hommes, qui étaient plus cloî-