Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/227

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voulait considérer ce Yann comme une sorte de fiancé, — un fiancé fuyant, dédaigneux, sauvage, qu’elle n’aurait jamais ; mais à qui elle s’obstinerait à rester fidèle en esprit, sans plus confier cela à personne. Pour le moment, elle aimait à le savoir en Islande ; là, au moins, la mer le lui gardait dans ses cloîtres profonds et il ne pouvait se donner à aucune autre…

Il est vrai qu’un de ces jours il allait revenir, mais elle envisageait aussi ce retour avec plus de calme qu’autrefois. Par instinct, elle comprenait que sa pauvreté ne serait pas un motif pour être plus dédaignée, — car il n’était pas un garçon comme les autres. — Et puis cette mort du petit Sylvestre était une chose qui les rapprochait décidément. À son arrivée, il ne pourrait manquer de venir sous leur toit pour voir la grand’mère de son ami : et elle avait décidé qu’elle serait là pour cette visite, il ne lui semblait pas que ce fût manquer de dignité ; sans paraître se souvenir de rien, elle lui parlerait comme à quelqu’un que l’on connaît depuis longtemps ; elle lui parlerait même avec affection comme à un frère de Sylvestre, en tâchant d’avoir l’air naturel. Et qui sait ? il ne