Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/308

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Elle essayerait malgré tout, les autres fois, de le retenir ; elle y mettrait toute sa volonté, toute son intelligence et tout son cœur. Être femme d’Islandais, voir approcher tous les printemps avec tristesse, passer tous les étés dans l’anxiété douloureuse ; non, à présent qu’elle l’adorait au delà de ce qu’elle eût imaginé jamais, elle se sentait prise d’une épouvante trop grande en songeant à ces années à venir…

Ils eurent une journée de printemps, une seule. C’était la veille de l’appareillage, on avait fini de mettre le gréement en ordre à bord, et Yann resta tout le jour avec elle. Ils se promenèrent bras dessus bras dessous dans les chemins, comme font les amoureux, très près l’un de l’autre et se disant mille choses. Les bonnes gens en souriant les regardaient passer :

— C’est Gaud, avec le grand Yann de Pors-Even… Des mariés d’hier !

Un vrai printemps, ce dernier jour ; c’était particulier et étrange de voir tout à coup ce grand calme, et plus un seul nuage dans ce ciel habituellement tourmenté. Le vent ne soufflait de nulle part. La mer s’était faite très douce ; elle était par-