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LE ROMAN D’UN ENFANT

Un jour, vers la fin d’août, après une longue rêverie, pendant laquelle il avait sans doute pesé et résolu les difficultés provenant des différences sociales, Pierre dit : « Véronique, nous nous marierons tous deux ; je demanderai la permission à mes parents là-bas. »

Puis, ma sœur raconte ainsi notre départ :

Au 15 septembre, il fallut quitter le village. Pierre avait fait des monceaux de coquilles, d’algues, d’étoiles, de cailloux marins ; insatiable, il voulait tout emporter ; et il rangeait cela dans des caisses ; il empaquetait, avec Véronique qui l’aidait de tout son pouvoir.

Un matin, une grande voiture arriva de Saint-Pierre pour nous chercher, ameutant le village paisible par ses bruits de grelots et ses coups de fouet. Pierre y fit mettre avec sollicitude ses paquets personnels, et nous y prîmes place tous trois ; ses yeux, déjà pleins de tristesse, regardaient par la portière le chemin creux ensablé par lequel on descendait à la plage — et sa petite amie qui sanglotait.

Et enfin je transcris, textuellement aussi, cette réflexion de ma sœur, que je trouve à cette même date d’été, au bas du cahier déjà fané par le temps :

Alors je me sentis prise — et non point pour la première fois sans doute — d’une rêverie inquiète en regar-