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LE ROMAN D’UN ENFANT

Quand j’étais invité à passer une journée chez elle, j’en jouissais à l’avance, mais j’en avais généralement des déboires après, car je commettais toujours des maladresses dans cette famille, où je me sentais incompris. Et chaque fois que je voulais l’avoir à dîner à la maison, il fallait que ce fût négocié de longue main par grand’tante Berthe, qui faisait autorité chez ses parents.

Or, un jour qu’elle revenait de Paris, cette petite Jeanne me conta avec admiration la féerie de Peau-d’Ane qu’elle avait vu jouer.

Elle ne perdit pas son temps, cette fois-là, car Peau-d’Ane devait m’occuper pendant quatre ou cinq années, me prendre les heures les plus précieuses que j’aie jamais gaspillées dans le cours de mon existence.

En effet, nous conçûmes ensemble l’idée de monter cela sur un théâtre qui m’appartenait. Cette Peau-d’Ane nous rapprocha beaucoup. Et, peu à peu, ce projet atteignit dans nos têtes des proportions gigantesques ; il grandit, grandit pendant des mois et des mois, nous amusant toujours plus, à mesure que nos moyens d’exécution se perfectionnaient. Nous brossions de fantastiques décors ; nous habillions, pour les défilés, d’innombrables petites poupées. Vraiment, je serai obligé de reparler plu-