Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 3.djvu/15

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détail de leur aspect la remplissait d’étonnement. Une nuit qu’elle avait fait quelques pas dans la forêt, parce que la pluie était tombée et que la terre était torrentielle, elle avait vu de près un de ces demi-dieux endormi ; mais elle avait pris peur à son tour et était revenue tout à coup. Depuis, elle y passait par intervalles et s’inquiétait des choses qu’elle ne comprenait pas.

Elle commençait à se regarder aussi, se trouvait elle-même mystérieuse. Ce fut l’époque où elle devint très sentimentale et pleura dans ses cheveux.

Quand les nuits étaient claires, elle se regardait dans l’eau. Une fois elle pensa qu’il serait mieux de réunir et de rouler sa chevelure ensemble pour dénuder sa nuque qu’elle sentait jolie dans sa main caressante. Elle choisit un jonc souple pour serrer son chignon bleu et se fit une couronne tombante avec cinq larges feuilles aquatiques et un nénuphar languissant.

D’abord elle prit plaisir à se promener ainsi. Mais on ne la regardait pas, puisqu’elle était seule. Alors elle devint malheureuse et cessa de jouer avec elle-même.

Or, son esprit ne se connaissait pas, mais son corps attendait déjà le battement des ailes du Cygne.