Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/189

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reconnaît pas la route, jadis parcourue si vite et si chaudement, à côté d’Aimery. D’autant que la neige, déjà épaisse, emmitoufle chaque haie, chaque touffe d’ajoncs, chaque bouquet d’arbres. Des flocons tournoient dans l’air avant de choir, sans bruit.

Psyché marche. Une lieue. Deux lieues. Trois lieues. Elle est très lasse. Elle a très froid. Mais elle s’en rend à peine compte. Elle a passé le petit bois clairsemé, les ruisseaux, invisibles sous leur linceul blanc, la forêt. Voici l’allée montueuse et ses grands chênes rigides. Voici le mur à échelons. Et la grille, — fermée.

Fermée, Psyché n’a pas prévu cela. Quel contre-temps ! Il va falloir sonner, attendre, parlementer. Il va falloir voir des gens, être vue…

Elle s’y résout pourtant. Elle sonne. Elle appelle. Et, pour seule réponse, le silence.

Personne n’est là. Ni portier, ni jardinier. Rien. Et la grille est fermée. Et le mur, indéfini, s’allonge jusqu’on ne sait où, à droite et à gauche. Va-t-il falloir retourner, repartir, — vers la gare si lointaine, vers le train, vers Paris ?

Psyché ne veut pas. Et la voilà marchant au hasard, suivant l’enceinte, contournant le parc…

Hasard heureux : il y a une brèche à la muraille. Une vieille brèche, obstruée de ronces et d’orties. Mais mal obstruée. Violemment, Psyché se jette au travers de l’obstacle, écartant, arra-