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Mauricette revint nue du cabinet de toilette et elle m’enhardit dès le premier mot :

« Je sens que ça ira bien. »

Elle ajouta malheureusement :

« Ousqu’on peut cracher ?

— Cracher ? Mais ça ne se crache pas ! En voilà des principes ! Comment, tu sors d’un pensionnat où l’on t’a élevée avec des petites filles du monde et elles ne t’ont pas dit qu’elles avalent ?

— Oh ! si ! elles me l’ont dit ! et Dieu sait ce qu’elles n’avaleraient pas ! J’en ai vu qui auraient appris des choses à Lili. Mais moi, je ne suis pas du monde, je ferai comme au bordel, je cracherai.

— Vous avalerez, mademoiselle, et tout de suite, au lieu de garder ça dans la bouche pendant trois minutes jusqu’à ce que vous ayez fini de téter ; comprenez-vous ? On vous a bien mal élevée dans votre famille. »

Sans répondre, elle se jeta sur moi et me dit lèvre à lèvre, d’une voix plus chaude :

« C’est vrai que tu vas me décharger dans la bouche ?… Alors donne-moi ta langue d’abord… Et jure que tu me donneras encore ta langue après… Mais aussi je vais te jurer quelque chose : jamais je n’ai bu du foutre d’homme, jamais !… Alors, si je te rate, tu ne m’en voudras pas pour ça, dis ?… Et si je réussis, tu ne vas pas t’imaginer que je t’aime ! Je t’aime pas du tout, du tout, du tout ! »

Sur ces derniers mots, elle me donna le baiser le plus gentil que j’eusse encore reçu de toute cette famille si diverse en natures et en carac-