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— C’est pas assez qu’il me fasse des queues avec une môme de dix ans ! fit tristement Charlotte. Il faut que la môme vienne se plaindre ! ça arrive qu’à moi, ces choses-là.

— Une môme de dix ans ? Elle est moins gourde que toi, la môme de dix ans ! Elle a branlé le secrétaire du commissariat de police et quand elle voudra le sucer elle te fera foutre à Saint-Lazare.

— Ah ! il ne manquait plus que ça dans ma chienne de vie ! mais qu’est-ce que je t’ai fait, ma gosse ?

— Tu m’as fait que tu vides les couilles de ton frère et que tu mouches ton chat sur le bout de sa pine. »

Cette nouvelle expression de Lili mit en joie Mauricette qui se releva sur une main et suivit la scène.

« Saint-Lazare ! gémit Charlotte. Non, ma belle gamine, aie pitié de moi. Je te ferai tout ce que tu voudras, pour rien.

— C’est trop cher ! dit Lili imperturbablement.

— Veux-tu voir mes poils ? mes nichons ? Veux-tu que je te fasse mimi ?

— J’ai mes gousses ! »

Le ton détaché que prit ici l’écolière était si comique et si dédaigneux que, tous, nous partîmes de rire, même Charlotte. Lili continua sans se dérider après avoir tiré de son petit panier une tranche de pain :

« Fais-moi une belle tartine de foutre. Va chez le marchand de gaufres pour la faire sucrer. Apporte-la-moi et donne-m’en tous les jours