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— Alors, c’est un complot ?

— Dis oui, sœur chérie.

— Je ne te refuse pas, laisse-moi le temps de réfléchir : regarde, voici, à la grille, notre bon curé, qui vient nous faire visite, je vais le recevoir.

— Et moi, je me sauve, on va être sérieux, dit la petite folle avec un éclat de rire, et elle rejoignit, en courant, Jacques occupé à tondre la grande pelouse.

J’allai à la grille recevoir le curé du village. C’était un bon vieux prêtre en cheveux blancs, à la physionomie ouverte et gaie, l’ami de ma mère et le mien. Pendant qu’il s’essuyait le front de son grand mouchoir de coton, à dessins quadrillés de rouge et de bleu, je lui installai, près du mien, un fauteuil de jonc tressé et sonnai pour qu’on lui servît la tasse de café qu’il aime.

— Vous lisiez, Germaine, me dit-il, en prenant le livre que j’avais abandonné, et les enfants jardinent, à ce que je vois.

Et il répondit par un affectueux bonjour au salut de Jacques et de ma sœur.

Y a-t-il des malades au village, Monsieur le curé ? Voici Jacques revenu pour de bon, il vous sera d’un grand secours…

— À quand le mariage, alors ? interrompit-il, en regardant du coin de l’œil, Jacques qui, après avoir soulevé son large chapeau de paille, s’était remis au travail.

Jeanne, armée d’un râteau, mettait en tas, derrière lui, l’herbe que coupait la tondeuse.

J’évitai de répondre ; je n’osais dire que nous n’avions encore rien décidé.

— Hum, hum, dit encore le bon prêtre, en me regardant jusqu’à ce que je dusse baisser les yeux, je n’ai jamais vu Germaine irrésolue.

— Oh ! non, pas irrésolue, Monsieur le curé, mais notre deuil est encore si récent et le deuil de mon cœur est toujours si grand !

— Hum, hum, reprit-il, je n’ai jamais vu Germaine chercher des raisons qui n’en sont pas.

Sentant la vérité de ses paroles, je ne répondis pas ; il ajouta :

— Pensez que le temps marche, mon enfant, et qu’une chose décidée doit être faite.

Puis, voyant que ses paroles me rendaient plus sérieuse, il voulut me faire sourire :

— Je tiens à être bientôt sûr de mon médecin, Germaine, et je tiens à vous le devoir.