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Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/159

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de terre, nommé Pho-mi, vint avec sa femme à la cour de Chine et offrit onze éléphants apprivoisés. On lui donna le titre de Pin-han, ce qui signifie « hôte des Chinois »[1]. Pendant les années Yuen-ho (806-820), le royaume du Tchin-la d’eau envoya également aux hommages. Après cette époque, les deux parties du royaume de Tchin-la se réunirent de nouveau[2]. Vers 858, sous l’habile gouvernement d’Ouang-chi, préfet chinois préposé par l’empereur Hiuen-tsong au gouvernement du Yun-nan et du Tong-king, le Cambodge et le Lin-y payèrent encore le tribut à la Chine[3].

À partir de ce moment, les annales chinoises restent muettes pendant trois siècles sur l’histoire du Cambodge. On sait qu’à la fin de la dynastie des Thang, de nombreuses rébellions ébranlèrent l’empire chinois et interrompirent les communications habituelles avec les pays étrangers. Cet état de troubles et de guerres civiles se prolongea sous les cinq petites dynasties, jusqu’à l’avènement des Song.

Les relations établies par les Thang avec les contrées du midi avaient propagé sans aucun doute les connaissances astronomiques et le calendrier chinois, et c’est là peut-être l’origine de l’ère appelée Cholla socrach, qui est aujourd’hui la seule employée à Siam, au Laos et en Birmanie, et qui commence à l’an 638. Cassini a démontré en effet que le point de départ de cette ère était purement astronomique[4]. Le 21 mars 638, la nouvelle lune coïncida avec l’entrée du soleil dans le premier signe du zodiaque et produisit une éclipse importante.

L’introduction de cette nouvelle ère en Indo-Chine est attribuée par les annales siamoises au libérateur de la race Thaï, le légendaire Phra Ruang. Sa naissance avait été prédite par Bouddha, et des récits merveilleux entourent son origine[5]. Il était fils d’Aphajakha Mouni, roi d’Haripounxai et de la reine des Nagas, et il naquit l’an 950 de Bouddha, suivant certaines traditions qui le font régner ainsi avant l’ère même qu’il devait fonder ;

  1. Bastian traduit ce passage en disant (op. cit., t. I, p. 465) que Pho-mi offrit volontairement le tribut au roi de la partie sud, nommé Titsung, et reçut en échange le titre de second roi, de telle sorte que le Tchin-la d’eau et le Tchin-la de terre furent réunis en 780. Le savant auteur allemand ne cite pas l’ouvrage chinois où il a trouvé cette indication, et, trois pages après, il rapporte sans commentaires le passage de Rémusat qui la contredit.
  2. La date de cet événement n’est point indiquée ; mais, d’après le contexte de Ta thsing y thoung tchi, c’est bien avant la dynastie des Song, qui commença à régner en 960, qu’eut lieu la réunion des deux royaumes.

    Le Lin-y avait réussi, à la fin du huitième siècle, à s’emparer du pays d’Hoan-tcheou ; mais en 808, disent les annales annamites, Truong-chau, gouverneur chinois des contrées du midi, marcha contre le roi de ce pays, le vainquit, fit couper la tête à 30,000 hommes des deux préfectures de Hoan et de Ai, et prit vivants 59 princes de la famille royale. (P. Legrand de la Liraye, op. cit., p. 68.) Le savant traducteur a confondu dans ce passage et dans quelques autres les Siamois avec les habitants du Lin-y, sans doute à cause de la ressemblance de l’appellation annamite vulgaire de ces deux peuples, Xiem et Chiem.

  3. P. Legrand de la Liraye, loc. cit. ; Gaubil, Abrégé de l’histoire de la grande dynastie Tang, t. XVI des Mémoires concernant les Chinois, p. 239. Les Annamites prononcent Vuong-thuc le nom d’Ouang-chi. Le P. Legrand donne 837 pour la date de son gouvernement. J’ai adopté la date de Gaubil.
  4. Voy. son mémoire inséré dans La Loubère, Du royaume de Siam. Paris, 1691, t. II, p. 151. Cf. Souciet, op. cit., t. I, p. 26, t. II, p. 12.
  5. Voy. le détail de ces légendes dans Pallegoix, op. cit., t. II, p. 61, et Bastian, op. cit., t. I, p. 298, 439-442.