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Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/177

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mère ; Ang Duong, de la même mère qu’Ang Chan (1796) et père du roi actuel.

Ang Eng fit rédiger la chronique royale du Cambodge depuis 1316 jusqu’en 1739. Il mourut en 1797, âgé de vingt-quatre ans. Le Chaufea ou « premier ministre », nommé Ten, exerça l’autorité royale pendant la minorité d’Ang Chan. D’après les instructions du roi de Siam, il envoya un corps auxiliaire de troupes à Gia-long qui étouffait à ce moment les derniers restes de l’insurrection des Tay-son dans la province de Qui-nhon. En 1805, Ten conduisit Ang Chan, qui avait quinze ans, prêter serment de fidélité à son puissant suzerain à Siam, et il mourut l’année suivante à Bankok. Ang Chan fut couronné roi du Cambodge sous les titres habituels de Prea reachea angca, etc. La même année, il épousa Tip, fille de Bien, gouverneur des provinces de Battambang et d’Angcor, qui avait le titre de Chau phnhea apphey thbès, et qui avait reçu, du roi de Siam, celui de Hua muong. Quatre ans après, Ang Snguon et Ang Em reçurent du roi de Siam les titres d’obbojureach et d’obbarach[1].

Ang Chan, malgré sa jeunesse, parut résolu à faire sortir l’autorité royale de l’humiliante tutelle où la tenaient depuis quarante ans les grands mandarins du Cambodge, et, sous prétexte de rébellion, il fit mettre à mort le kralahom nommé Muong et le chakrey[2] nommé Ben, à leur retour de Bankok, où ils avaient été faire donner aux frères du roi l’investiture de leurs titres (1810). Cette exécution fit réfléchir les gouverneurs qui s’étaient rendus à peu près indépendants dans le gouvernement de leurs provinces. Bien fortifia Battambang et l’okhna Dechu Ming souleva la grande province de Compong Soai contre l’autorité royale. Ang Chan s’adressa à la cour de Hué pour l’aider à réprimer cette révolte ; sur ces entrefaites, l’obbojureach, Ang Snguon, se retira à Pursat, y rassembla ses partisans, et fit demander à Siam l’autorisation de prendre les provinces de Trang et de Khlong. Siam envoya une armée pour soutenir ses prétentions, et les Annamites, de leur côté, se mirent en devoir de protéger Ang Chan. Celui-ci fut forcé de se retirer quelque temps à Saïgon (1812) devant l’armée siamoise et cambodgienne commandée par son frère. L’influence annamite prévalut cependant ; Ang Chan fut ramené à Pnom Penh cette même année par l’eunuque Ta-quan, délégué de Gialong. Mais cette tentative d’émancipation du joug siamois coûta cher au Cambodge. L’okhna Dechu Ming, chassé de la province de Compong Soai, s’était réfugié dans celle de Tonly Repou, située plus au nord, et l’avait livrée aux Siamois, ainsi que la petite province frontière de Mulu Prey, pour obtenir leur protection contre la colère d’Ang Chan ; Bien, à la mort duquel Battambang et Angcor devaient revenir à la couronne, mourut pendant la guerre suscitée par Ang Snguon, et les Siamois conservèrent, au mépris des traités, ces deux provinces qui les placent au cœur même du royaume et que Bien n’avait jamais gouvernées qu’à titre de vassal du Cambodge.

  1. Ces titres, que l’on traduit ordinairement par les mots de second roi et de troisième roi, sont donnés aux premiers princes de la famille royale et n’impliquent aucune autorité. Ils sont remplacés aujourd’hui par ceux d’Obbarach et de Prea keo fea. L’obbarach (Upa raja en Birmanie) est l’analogue du Youva-Raja ou prince héritier dans l’Inde.
  2. Titres de deux mandarins du premier rang. Le premier est une sorte de ministre de la marine, le second est chargé des éléphants et des transports par terre.