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Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/215

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arc de cercle que décrit le fleuve au pied de ces montagnes, et le lendemain, 11 septembre, à 9 heures du matin, nous prenions terre encore une fois à Bassac.

Bassac est situé sur la rive droite du fleuve, au pied d’un imposant massif montagneux qui est le trait géographique le plus saillant de tout le Laos inférieur. Ce massif, à cheval sur le fleuve, occupe sur la rive gauche un immense espace à peu près circulaire et se prolonge sur la rive droite par deux ou trois sommets remarquables. L’un d’eux, appelé Phou Bassac par les indigènes, d’une forme conique très-élancée, s’élève à une faible distance à l’ouest du village et jette de tous côtés des contre-forts puissants. Au nord de Bassac et sur les bords mêmes du fleuve, un plateau à arêtes très-vives et coupé à pic sur sa face sud est le point de départ d’une chaîne d’un fort relief qui longe toute la rive droite du fleuve. Cette chaîne se termine par un nouveau pic, Phou Molong, qui est le plus important de tout ce groupe et dont la cime conique peut se voir, par un temps clair, de la pointe nord de l’île de Khong, c’est-à-dire d’une distance de vingt-cinq lieues.

Vis-à-vis de Bassac, le Cambodge est divisé en deux bras très-inégaux par une grande île, Don Deng, qui ne ménage le long de la rive gauche qu’un canal de 400 mètres de large et laisse les eaux du fleuve se déployer devant Bassac sur une largeur de plus de 2 kilomètres. Dans l’est-nord-est, les sommets volcaniques de la partie du massif montagneux, située sur la rive gauche, dentellent l’horizon, et à l’angle le plus sud de ce massif s’avance une haute montagne ronde que nous avions surnommée le Téton, en raison de sa forme, et à laquelle j’ai donné depuis le nom de Pic de Lagrée.

La beauté du fleuve, le cadre puissant de montagnes au milieu duquel il déroule ses paysages grandioses, font de Bassac l’une des situations les plus remarquables et les plus pittoresques de la vallée du Cambodge. Elle est aussi l’une des plus heureusement choisies au point de vue du climat. Le voisinage de Phou Bassac en tempère singulièrement les ardeurs ; quoique l’on soit à peine sous le 15e degré de latitude nord, on retrouve ici pendant quelques matinées de janvier les températures de 12 à 14 degrés, si vivifiantes pour des Européens anémiés par un long séjour sous les tropiques ; au fort de l’été, la chaleur n’est jamais aussi insupportable qu’elle l’est en Cochinchine et dans quelques autres endroits de la vallée du fleuve situés plus au nord. L’immense nappe d’eau qui s’étend devant le village rafraîchit l’atmosphère et produit des jeux réguliers de brise qui le renouvellent constamment. Cette position exceptionnelle désigne Bassac comme l’un des points du Laos inférieur où l’influence française doit désirer s’implanter le plus solidement. On pourrait y fonder dès à présent une station de convalescence pour nos malades de Cochinchine.