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Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/247

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partie européenne de notre escorte, choisie trop à la hâte, ne paraissait pas comprendre le genre de sacrifices qu’on attendait d’elle et l’extrême réserve qu’elle devait montrer dans ses rapports avec les indigènes. Dans ces conditions, elle devenait plus embarrassante qu’utile, et nous devions songer à la renvoyer.

Le 4 décembre, M. de Lagrée et la partie de la Commission qui l’avait accompagné dans son excursion d’Attopeu, nous rejoignirent au campement de Bassac. Je vais faire un récit sommaire de leur voyage[1].

MM. de Lagrée, Joubert, et de Carné, accompagnés de trois hommes de notre escorte et de l’interprète laotien Alévy, étaient partis de Bassac le 2 novembre. Ils avaient remonté le fleuve en barque jusqu’à l’embouchure du Se Don ; puis, ils avaient suivi le cours de cette dernière rivière jusqu’au village de Solo Niaï, refaisant ainsi le trajet que j’avais accompli moi-même dans les premiers jours d’octobre. Les eaux du Se Don avaient sensiblement baissé depuis cette époque, et quelques-uns des rapides, tels que Keng Keo et Keng Solo qui, au moment de mon passage, ne m’avaient offert aucune difficulté, arrêtèrent quelque temps les voyageurs ; à Keng Solo, rapide situé un peu en aval de Solo Niaï, les bateliers durent se mettre à l’eau et traîner les pirogues au milieu des broussailles et des pierres qui encombrent là le lit de la rivière.

À Solo Niaï, M. de Lagrée et ses compagnons quittèrent leurs barques et remontèrent à pied, le long de la rive gauche, jusqu’au-dessus des chutes du Se Don. M. de Lagrée constata que ces chutes n’interrompent pas absolument la navigation du fleuve : les indigènes font passer les barques, en les traînant sur des rouleaux pendant un espace de 300 à 400 mètres, sur une petite île qui se trouve le long de la rive gauche et qui avait échappé à mon examen : on se rappelle que j’avais vu les chutes de la pointe de la grande île qui sépare le Se Don en deux bras.

Le 7 novembre, la petite expédition repartit en barque de Ban Keng Pho, grand village situé sur la rive droite du Se Don, en amont des chutes. On continua l’ascension de la rivière ; sa largeur est de 200 mètres environ, son courant presque insensible et sa profondeur de 8 à 10 mètres jusqu’à Kham tong niaï, chef-lieu de province relevant directement de Bankok et où M. de Lagrée passa la journée du 8. De Keng Pho à Kham tong niaï, les rives du Se Don sont assez peuplées et cultivées en coton et en tabac. Ban Keng Kouang est le village qui sert de limite à Bassac. Sur la rive droite de la rivière et à peu de distance, s’échelonnent les premiers sommets d’un massif montagneux, appelé par les indigènes Phou Cangnuhong.

À Kham tong niaï, les voyageurs trouvèrent un logement tout préparé pour les recevoir. Le gouverneur, vieillard vénérable, prit connaissance des passe-ports de Siam et s’empressa, après leur lecture, de fournir à M. de Lagrée les moyens de continuer sa route ; celui-ci reçut la visite d’un membre de la famille royale de Vien Chan, à qui le gou-

  1. Les éléments de ce récit sont : 1o le journal de l’expédition, tenu jour par jour sous forme d’un journal de bord ; 2o les renseignements fournis par les membres de la Commission qui accompagnaient M. de Lagrée. Les appréciations générales sont extraites du rapport adressé par M. de Lagrée au gouverneur de la Cochinchine. Consultez la carte itinéraire no 2, Atlas, 1re partie, pl : V.