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Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/253

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SÉJOUR A BASSAC.

cette région et alterne avec les bambous qui croissent sur les bords des rivières.

Le 4 décembre, M. de Lagrée arrivait sur les bords du grand fleuve, vis-à-vis de l’île Deng, et s’embarquait avec ses compagnons de route pour traverser le Cambodge et regagner Bassac.

Il avait mis un mois à faire le tour complet de ce grand massif montagneux, qui se projette perpendiculairement à la grande chaîne de Cochinchine, et dont les dernières ramifications se prolongent jusque sur la rive droite du Cambodge. Il résultait de cette reconnaissance que ce massif occupe, sur la rive gauche, un espace presque circulaire de plus de soixante milles de diamètre, limité au nord et à l’ouest par le cours du Se Don et du Cambodge, à l’est par celui du Se Cong. Ses arêtes sont très-élevées et paraissent enserrer au centre de grandes vallées ou de grandes plaines, qui sont, dit-on, inhabitées. Sur les versants extérieurs et dans toutes les directions, apparaissent des traces irrécusables de puissantes actions volcaniques. Ce sont, tantôt de puissantes coulées de lave que les torrents suivent aujourd’hui et mettent à nu, tantôt d’immenses amas de scories ou de terres torréfiées. Ce massif et ceux plus petits qui l’avoisinent, tels que celui de Phong Pho, devaient offrir jadis de nombreux centres d’éruption.

Dès l’arrivée du chef de l’expédition, je lui rendis compte de l’interruption de nos communications avec la colonie, causée par la rébellion du Cambodge. M. de Lagrée fut vivement affecté de ce contre-temps. La scrupuleuse attention qu’avaient apportée tous les gouverneurs de province à vérifier nos passe-ports, lui avait démontré de quelle nécessité nous seraient plus tard les lettres de Pékin. D’un autre côté, les difficultés et les lenteurs qu’entraînait la réunion des moyens de transport qui nous étaient indispensables, l’obligation d’en changer à chaque chef-lieu de province, lui faisaient gravement sentir les inconvénients de notre grand nombre, inconvénients que l’inconduite de quelques-uns des Européens de l’escorte aggravaient encore. Enfin la saison sèche était déjà fort avancée et tout nouveau retard allait être excessivement préjudiciable à la réussite du voyage. Il fallait donc communiquer à tout prix et le plus vite possible avec la colonie, pour en recevoir les papiers qui nous manquaient encore et pour nous débarrasser d’une partie de notre personnel.

Sur ces entrefaites, le 16 décembre, l’interprète Alexis Om, que j’avais, on se le rappelle sans doute, laissé à Stung Treng pour y attendre une occasion de revenir au Cambodge, nous rejoignit à Bassac. Il avait dû renoncer à son voyage : pour longtemps encore la route du fleuve paraissait fermée, et il ne lui avait pas paru prudent de séjourner aussi près de la frontière cambodgienne. M. de Lagrée songea alors à renvoyer cet interprète à Pnom Penh par l’ouest du grand fleuve, en lui faisant traverser la région qui sépare Bassac d’Angcor. Par cette route, on n’a à traverser que des territoires soumis à Siam. Quant à la navigation du grand lac, entre Angcor et Pnom Penh, M. de Lagrée pensait qu’elle devait être restée libre et à l’abri des incursions des rebelles. Dès son arrivée à ce dernier point, Alexis prierait le chef de la station du Cambodge de faire parvenir à l’expédition, par la même voie, les paquets qu’il devait avoir reçus pour elle.

Pendant ce temps, nous devions nous rendre à Oubôn.