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Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/303

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Le 9, il traversa une région assez peuplée, habitée par les Pou Thai, et il campa le soir à Lahacoc, village situé au pied d’une belle colline boisée. Le 10 février, il était de retour à Kémarat. Il demanda immédiatement aux autorités de la province les barques qui lui étaient nécessaires pour continuer l’ascension du grand fleuve.

Son excursion dans le bassin du Se Banghien lui avait permis de constater que, jusqu’en 1831, la domination annamite s’était étendue sur toute la rive gauche du fleuve depuis le 16e degré de latitude jusqu’au delà du 17e. Les populations de cette zone payaient un tribut annuel à la cour de Hué, et la route de cette capitale aux bords du Cambodge était libre et fréquentée. En 1831, les Siamois attaquèrent sans provocation ces provinces, mais ils furent battus par les Annamites qui les poursuivirent jusqu’au fleuve, vis-à-vis de Ban Mouk. Peu après les Siamois revinrent à la charge, et se ruant à l’improviste sur toute cette contrée, en enlevèrent la population, qu’ils transportèrent sur la rive droite. Les Annamites ne voulurent pas renouveler la lutte dans un pays devenu désert. Dans la suite, les Siamois le repeuplèrent à l’aide d’habitants tirés des provinces de Palana, de Kham khun keo, d’Oubôn et de Kémarat.

Quelques-uns des Muongs, qui s’échelonnent dans la vallée du Se Banghien jusqu’aux abords de la grande chaîne, figurent sur la carte de Cochinchine de Monseigneur Taberd. Si les Siamois ont réussi à faire prédominer leur influence du côté du fleuve, il n’en est pas de même dans la partie supérieure du bassin du Se Banghien, où se trouve, dans chaque village, un chef annamite à côté du chef laotien.

Je pense que la domination annamite s’était établie dans cette partie de la vallée du Mékong, à la suite des guerres acharnées soutenues par le royaume de Lin-y ou de Lam-ap, le Tsiampa moderne, contre les Tongkinois ; en d’autres termes, le bassin du Se Banghien était une des provinces du royaume de Tsiampa et les Soué ne sont sans doute que les descendants des populations qui le composaient. À ce point de vue, il est peut-être intéressant de constater que les Soué n’ont guère d’autre culte que celui des ancêtres. Ils leur élèvent, à l’intérieur des maisons, une sorte de petit autel, devant lequel ils déposent sur une tablette des offrandes consistant en viande de porc ou en volailles.