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Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/377

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du sud et ceux du nord tiennent au changement de climat et de domination. L’une des plus caractéristiques consiste dans la coiffure ; les cheveux longs et le turban birman remplacent partout au nord de Luang Prabang le toupet siamois et la tête nue. La veste devient aussi d’un usage beaucoup plus général.

La polygamie n’existe pas, à proprement parler, dans les mœurs. Les gens riches seuls ont plusieurs femmes, et encore en est-il toujours une parmi elles qualifiée de légitime. La pureté des alliances est une condition indispensable pour établir la succession aux diverses charges. Ainsi, une femme qui ne serait pas noble et princesse ne saurait au Laos donner à un roi un fils apte à lui succéder.

Quant au régime civil de la famille, il semble être réglé à peu de nuances près par la loi chinoise qui domine dans toute la péninsule, à Siam comme au Tong-king. Les mœurs sont assez libres et la fidélité conjugale tient souvent à bien peu de chose. L’adultère se punit d’une simple amende et l’opinion est pleine d’indulgence pour les faiblesses amoureuses de l’humaine nature. Le divorce peut avoir lieu d’un commun accord.

Comme à Siam et au Cambodge, l’esclavage existe au Laos : on devient esclave pour dettes, pour vol, par confiscation judiciaire, pour éviter la mendicité ; mais cette catégorie d’esclaves est excessivement restreinte. L’immense majorité de ces malheureux se recrute, comme je l’ai déjà dit, chez les tribus sauvages de l’est. Ils sont employés à la culture et aux travaux domestiques, et sont traités avec la plus grande douceur. Ils vivent même souvent si intimement et si familièrement avec leurs maîtres que sans leurs cheveux qu’ils conservent longs et leur physionomie particulière, on aurait de la peine à les reconnaître au milieu d’un intérieur laotien.

Les prisonniers de guerre forment une catégorie d’esclaves à part ; ils appartiennent au roi, et leurs enfants naissent esclaves. Le roi les distribue d’ordinaire à ses mandarins.

Les Laotiens sont fort paresseux, et quand ils ne sont pas assez riches pour posséder des esclaves, ils laissent volontiers aux femmes la plus grande partie de la besogne journalière ; en outre des travaux intérieurs de la maison, celles-ci pilent le riz, travaillent aux champs, pagayent dans les pirogues. La chasse et la pêche sont à peu près les seules occupations réservées exclusivement au sexe fort.

Il serait oiseux de décrire ici tous les engins dont on se sert pour attraper le poisson, principal aliment, après le riz, de toutes les populations riveraines du Mékong et que le fleuve fournit en quantités presque inépuisables. Ce sont, en général, de vastes tubes en bambou et en rotin, ayant un ou plusieurs cols en entonnoir dont les pointes repoussent le poisson une fois qu’il est entré. On fixe solidement ces appareils à un arbre de la rive, en présentant leur ouverture au courant, ou bien on les immerge complètement à l’aide de grosses pierres. On va les visiter ou les relever tous les deux ou trois jours. On se sert encore d’un ingénieux petit système de flotteurs qui supporte une rangée d’hameçons et qui réalise la pêche à la ligne en supprimant le pêcheur. Il est aussi des genres de pêche plus actifs que ceux-là : la pêche au trémail, au filet, au harpon, à l’épervier ; tous exercices dans lesquels les Laotiens, sont dès leur enfance d’une adresse remarquable.