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Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/379

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Le système de gouvernement et d’administration des provinces laotiennes est à peu près le même que celui qui est en vigueur à Bankok. Le gouverneur de la province, quand il a le titre de roi, prend le nom de Chao Muong, « maître du Muong ». Au-dessous de ce titre viennent, suivant l’importance des provinces ou la dignité des titulaires, les qualifications de Phya, Phra, Luong. Les gouverneurs ont sous eux trois grands dignitaires, l’Oparat[1], le Ratsvong et le Ratsbout ; comme au Cambodge, ces fonctions ne sont qu’honorifiques ; c’est Bankok qui en désigne les titulaires, et il les choisit, comme à l’époque de l’indépendance du Laos, parmi les princes de sang royal. Tout en fractionnant autant que possible le territoire du Laos, les Siamois ont conservé aux plus petites provinces les titres correspondant aux anciens royaumes.

Le gouverneur nomme directement aux charges administratives de la province ; les trois principales sont celles du Muong Sen, du Muong Chau et du Muong Khang. Ces trois fonctionnaires sont appelés aussi : mandarin de droite, mandarin de gauche et mandarin du milieu. C’est devant leur tribunal que se portent toutes les affaires ; on peut toujours appeler de leur décision au gouverneur, et le jugement de celui-ci peut, à son tour, être réformé par Bankok. Le Muong Sen, le Muong Chau et le Muong Khang ont, chacun, sous leurs ordres sept autres mandarins auxquels ils délèguent les affaires peu importantes. Ceux-ci commandent à leur tour à des mandarins d’ordre inférieur. La réunion de tous les fonctionnaires d’une province, à partir du Muong Sen et au-dessous, porte le nom de Thau phya Kromakan ; le nom de Sena est réservé au conseil formé par les premiers d’entre eux. C’est le Sena qui décide de toutes les affaires importantes.

Le gouverneur a en outre des mandarins particuliers composant sa maison. Lorsqu’il porte le titre de roi, leur nombre est considérable : il y a les chefs des gardes, les gardiens du parasol, les gardiens des femmes, les chefs des ouvriers, les bourreaux, les secrétaires. Si l’on satisfait la vanité des dignitaires laotiens en leur donnant les titres qui leur donnent droit à ce nombreux personnel, on augmente grandement les charges des populations qui sont forcées de subvenir aux dépenses et au luxe de tous ces fonctionnaires parasites.

Comme en Chine et en Cochinchine, les pénalités corporelles sont échelonnées en une série ingénieusement croissante, et le bâton figure à chaque page du code laotien. Les plus hauts mandarins comme les plus humbles travailleurs sont journellement exposés à en recevoir, et le supplice du rotin est l’accompagnement obligé de l’interrogatoire des criminels. La partie frappée est le haut des reins ; en Cochinchine et au Cambodge, on frappe au contraire sur la partie charnue qui les termine ; le sang jaillit d’ordinaire dès les premiers coups, et il peut arriver que le coupable succombe à ce supplice, si la colère du juge le prolonge trop longtemps. La cangue, les fers, la prison, l’exposition publique, les amendes, l’exil, l’esclavage, la mort, complètent la série des peines en usage. Le supplice capital est fort rare, et la plupart des gouverneurs ne peuvent y condamner sans en référer à Bankok.

  1. Titre équivalant à celui d’Obbarach au Cambodge, et d’Oupa raja dans l’Inde.