Aller au contenu

Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/465

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Nous reçûmes l’accueil le plus avenant et le plus cordial chez les habitants de Muong Pang, où nous passâmes une journée presque entière. Nous en repartîmes le 14 avec vingt-quatre porteurs. Après une marche aussi courte que celle de la veille nous arrivâmes, à onze heures du matin, à Ban Nang Sang Ko ; nous avions aperçu de nouveau la vallée du Nam Yot et le village de Xieng Neua, du haut d’un des cols de la route. Sur les versants des collines à croupes arrondies qui ondulaient l’horizon, on apercevait des traces d’anciennes cultures, qui témoignaient que le pays avait été occupé autrefois par une population très-dense. Le paysage revêtait des teintes variées qui attestaient la diversité des cultures.

À Nang Sang Ko, nous nous trouvions sur le flanc d’une étroite vallée qu’arrose une petite rivière ; elle se dirige d’abord au nord, puis contourne, vers l’ouest, un massif calcaire d’une élévation considérable, dont les cimes dentelées nous séparaient du Cambodge. Chacun des mamelons qui s’étagent au-dessus de la rivière est couronné d’un village, et la couleur sombre des maisons, construites en terrasse, leur donne de loin un air de château fort. La transformation de la végétation et de l’agriculture devenait à chaque instant plus sensible ; le maïs avait, depuis quelque temps déjà, remplacé le riz dans les parties les plus élevées de la montagne ; le chanvre ou l’ortie de Chine fit son apparition à l’état spontané, et M. Thorel nous signala la culture d’une acanthacée qui fournit une teinture bleue analogue à l’indigo. Les légumes étaient cultivés sur une plus grande échelle : nous trouvâmes des champs de petits pois ; les arbres à fruits, pruniers, pêchers, poiriers, étaient réunis en vergers. La forêt avait disparu presque partout ; çà et là, quelques chênes et sur les crêtes quelques bouquets de pins accidentaient seuls le tableau. Ces paysages, si différents de ceux auxquels nous étions accoutumés, nous faisaient l’âme heureuse. L’activité qui régnait dans les villages, l’accueil cordial de la population, et jusqu’à la cherté toujours croissante des vivres nous rappelaient à chaque pas que nous rentrions dans des régions civilisées ; les mille détails des scènes champêtres auxquelles nous assistions, évoquaient plus d’une fois les souvenirs de la patrie ; nous ne songions pas à regretter l’aspect pittoresque et les mœurs étranges des pays que nous laissions derrière nous ; nous étions arrivés à ce point du voyage où le nouveau, pour nous, était ce qui ressemblait le plus à l’Europe et à la France.

Les habitants revêtaient de plus en plus un type intermédiaire entre le type chinois et le type de la race thaï. Ce type mixte représente fidèlement, sans doute, celui des anciennes populations du Yun-nan, ou, si l’on veut, le type des Thaï le plus anciennement conquis par les Chinois. Les animaux domestiques subissaient une transformation analogue à celle que nous remarquions dans la végétation et dans les habitants : les chevaux, les bœufs et les cochons étaient de plus haute taille ; quelques mulets faisaient leur apparition ; les basses-cours étaient peuplées d’une race de poules qui, améliorée par l’élevage, atteint des dimensions remarquables : on nous offrait des chapons de quatre kilogrammes ; c’est au poids que se vendaient toutes les volailles.

Le 16 octobre nous fîmes halte dans un village, nommé Tchou Tchiai, d’un aspect entièrement chinois. Des inscriptions sur papier rouge, écrites avec ces signes hiérogly-