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Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/476

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Le préfet de Pou-eul remit à M. de Lagrée un passe-port indiquant l’itinéraire qu’il devait suivre, itinéraire dans lequel celui-ci eut assez de peine à faire comprendre la ville de Lin-ngan. Nous ne nous expliquâmes que plus tard la répugnance bien naturelle qu’éprouvait ce fonctionnaire de Pékin à nous faire passer par une ville où le pouvoir central était ouvertement mis de côté et sur laquelle le vice-roi de la province n’avait plus aucune action.

Nous partîmes de Pou-eul le 4 novembre, et traversâmes d’abord une série de mamelons, qui s’élevaient de plus en plus et qui nous amenèrent bientôt sur les flancs d’une haute chaîne. Le temps était pluvieux et les sentiers glissants ; nous eûmes quelque peine à en gagner le sommet. La ligne de faîte que nous franchîmes avait une hauteur de 1,800 mètres ; nous nous trouvions à l’un des points les plus bas d’une grande chaîne qui venait du nord et paraissait se diriger ensuite vers l’est. La ligne sombre et fortement accusée qu’elle traçait au milieu de la région montagneuse que nous traversions, avait quelque chose de si caractéristique que j’eus la conviction, à partir de ce moment, que nous changions de bassin et que les eaux que nous allions rencontrer cessaient de se diriger vers le Cambodge. Après une descente excessivement rapide, que la pluie rendit dangereuse, nous arrivâmes à la nuit close au village de Mo-he, qui, comme Ho-boung, est le siège d’une exploitation saline. Une rivière coule au pied, se dirigeant vers le nord ; nous en suivîmes les bords pendant quelque temps, puis nous abandonnâmes la vallée pour gravir les hauteurs qui la limitent à l’est.

Le pays devenait plus sauvage, les pentes plus raides, le sol plus rocailleux ; les cultures se faisaient rares et la chaussée empierrée que nous avions suivie depuis Se-mao, disparaissait pendant de longs intervalles. Cependant la route ne laissait pas que d’être assez animée. À chaque instant de longues files de soldats, des mandarins à cheval ou en palanquin, se dirigeaient vers Pou-eul où Li ta-jen leur avait donné rendez-vous. Il avait, dit-on, l’intention de prendre l’offensive et d’arrêter la marche des Mahométans sur Pou-eul.

Après une longue journée de marche, nous redescendîmes dans une vallée assez large, dont les pentes dénudées étaient affreusement ravinées par les pluies. Une rivière presque à sec se perdait au milieu des cailloux qui en formaient le sol ; nous ne tardâmes pas à entendre gronder, à peu de distance, les eaux d’un fleuve large et rapide qui venait du nord. Arrivés au confluent des deux cours d’eau, nous suivîmes la rive droite du fleuve : une végétation luxuriante reposa nos regards. Le fleuve que nous avions rejoint là, est appelé par les Chinois, le Pa-pien kiang. Ses eaux boueuses étaient rougeâtres et assez profondes. Nous étions arrivés à la branche la plus occidentale du fleuve du Tong-king.

Nous couchâmes le soir à Pa-pien, pauvre village situé sur la rive gauche de la rivière que l’on traverse en bateau.

Le lendemain nous descendîmes pendant quelque temps la rive gauche du Pa-pien kiang, puis nous gravîmes de nouveau les hauteurs au pied desquelles il coule, pour remonter sur le plateau du Yun-nan, qui s’élève de plus en plus à mesure que l’on s’avance vers le nord et que ravinent si profondément les grands cours d’eau qui le sillonnent.

Nous passâmes la journée du 7 novembre à Tong-kouan. Il y avait grande agglomé-