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COMMERCE ET ETHNOGRAPHIE DU NORD DU YUN-NAN.

jen qui habite la rive droite du Lan-tsang kiang, à cinq jours de Ta-ly, et peut-être de celle des Pa-sou qui peuple les environs de Li-kiang.

Toutes ces tribus sont administrées directement par des chefs indigènes nommés Tou-se. Les mandarins chinois s’adressent à eux pour les corvées et les impôts que la tribu doit fournir.

Les Tibétains conservent de nombreuses relations avec une contrée dont une partie reconnaissait jadis leur domination. Au neuvième siècle, le royaume de Ta-ly ou de Nan-tchao a été quelque temps tributaire de l’empire tibétain des Tou-fan. Parmi ces relations, quelques-unes se rapportent à des souvenirs religieux. À quatre lieues dans le sud-est de Kouang-tia-pin est une grotte à stalactites, nommée en chinois : Che-tong, « caverne de pierre », où viennent à certaines époques de l’année de nombreux pèlerins tibétains qui font le voyage en mendiant. C’est un des lieux les plus vénérés de la contrée. L’entrée en est imposante : sa hauteur intérieure la rend, dit-on, comparable à une nef de basilique ; sa longueur atteint deux kilomètres. Plus de cent familles y ont trouvé un refuge pendant la guerre des Mahométans. On en retire du salpêtre.

Le commerce de l’ouest de la province avait, avant la guerre, deux écoulements principaux, l’un vers la Birmanie par Teng-yue tcheou ; l’autre vers le Tibet. On exportait en Birmanie de la rhubarbe, du cuivre, des pierres à fusil, du musc et de l’or en échange de coton. Les caravanes se réunissaient à Hia kouan, à l’extrémité sud du lac de Ta-ly. Elles arrivaient en deux jours à Yun-tchang, quatre jours après à Teng-yue tcheou ; trois jours après, à Mo-fou. Il y avait en ce point une douane laotienne dépendante de la Chine. On allait de Mo-fou à Bamo en sept jours. Les douanes birmanes percevaient la dîme des produits importés. On pouvait acquitter les droits en argent ou en nature. Les douanes chinoises prélevaient à Mo-fou trois dixièmes de tael par charge de coton. Malgré les efforts du gouvernement de Ta-ly pour maintenir ouverte cette route commerciale, l’incertitude et l’arbitraire de la domination mahométane, les brigandages des tribus Kakhyens avaient, au moment de notre passage, arrêté le mouvement des échanges dans cette direction. Le coton nécessaire à la consommation locale était alors demandé en grande partie aux provinces centrales de la Chine et des essais de culture de ce textile étaient tentés dans les parties les plus chaudes du Yun-nan. Il s’était établi un courant commercial se dirigeant de Ta-ly vers le Se-tchouen. L’âpreté au gain et la persévérance chinoises n’ont été rebutées ni par la guerre ni par les difficultés de la région montagneuse qu’il fallait traverser.

L’état de guerre, qui amène toujours en Europe la suppression des relations commerciales, n’a nullement les mêmes conséquences en Chine où l’on trafique à côté des armées belligérantes.

La population ne suit point le gouvernement dans les conflits politiques ; elle s’en désintéresse le plus possible, et les rébellions réussissent ainsi à s’éterniser. La révolte de Ta-ly n’aurait eu aucun avenir devant elle si toute communication lui eût été interdite avec le reste de l’empire. Le gouvernement mahométan a senti qu’il devait à tout prix rester en relations avec le Se-tchouen et il s’est départi à l’égard des caravanes de marchands de ses habitudes d’exaction et de violence. Si, pour faire acte d’indépendance vis-à-vis de