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Page:Louis Delaporte - Voyage d'exploration en Indo-Chine, tome 1.djvu/97

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haut desquels on a placé quarante ou cinquante miroirs qui font que les objets sont représentés aux côtés de la fenêtre de manière à être aperçus par ceux qui sont en bas. J’ai ouï dire que, dans l’intérieur du palais, il y avait beaucoup d’autres choses merveilleuses, mais il y avait une défense extrêmement sévère de les laisser voir. C’est dans la tour d’or du palais que le roi passe la nuit[1]. »

Si du perron central on se dirige vers l’est, on traverse une sorte de clairière de plus de 150 mètres de large, au delà de laquelle la forêt recommence. Sur la lisière, derrière les premiers arbres, on aperçoit une longue suite de grosses tours en pierre de Bien-hoa : il y en a dix, rangées sur une ligne nord et sud, et deux autres situées, en arrière et au centre de cette ligne. Deux édifices rectangulaires très-allongés, dont la destination est inconnue, s’élèvent en arrière et aux extrémités. Les habitants les appellent les Magasins. Ils ont peut-être raison. Ces édifices paraissent avoir été clos avec soin. Ils avaient deux étages, et aucun espace n’y était inutilement perdu ; à l’extérieur ne se trouve aucune décoration inutile. Derrière chacun d’eux, s’étend une enceinte ; dans celle qui correspond au magasin du nord est une tour en grès, et plus en arrière est une seconde enceinte, qui contient quatre petits édicules, construits également en grès. Dans l’enceinte de l’édifice du sud, en face de la porte, sont les vestiges d’une colonnade. Entre les deux édifices, en arrière des deux tours centrales, sont des Sra à marches de pierre.

L’espace compris entre les Magasins et le palais était sans doute vide autrefois comme il l’est aujourd’hui : il est naturel de supposer que cette belle place, si richement ornée, servait aux fêtes populaires auxquelles le roi et les grands personnages venaient assister sur la grande terrasse. Le voyageur chinois déjà cité dit en effet que les fêtes avaient lieu devant le palais, et il décrit quelques-unes d’entre elles.

Si, de l’esplanade du Roi lépreux, on se dirige vers le N.-N.-E.[2], on laisse à gauche un mur bas dont il y aurait à étudier la destination, et l’on arrive en présence d’un petit belvédère à colonnes rondes servant d’entrée à une enceinte à l’intérieur de laquelle est une tour en grès. Au nord et à gauche de cet édifice, est un belvédère isolé, de plus grandes dimensions et d’une beauté remarquable ; plus au nord encore, est un second édifice, avec tour en grès, et une grande pièce d’eau à marches de pierre en très-bon état de conservation. À l’angle N.-E. de ce bassin, est un massif considérable de terres levées sur lequel devait exister une pagode. On y retrouve en effet le socle d’une ancienne statue, un Neac Ta[3] et une borne de pagode. Tout autour, sont des Sra de grandeur diverse. Enfin, à droite dans la forêt, est un troisième édifice, plus grand que les deux autres. Cet ensemble de ruines forme le groupe appelé Prea Pithu par les habitants. Cette ancienne expression, qui désignait jadis les grands personnages, semble indiquer que ce lieu était la résidence des hauts fonctionnaires du royaume.

  1. Rémusat, Op. cit., page 45.
  2. Il ne faudrait pas suivre le sentier existant actuellement de ce côté : on aboutirait à la porte nord de la ville, sans avoir rencontré autre chose sur sa route que des pans de murs dénués de tout intérêt. (Note du commandant de Lagrée.)
  3. Littéralement « homme ancêtre ». Les Cambodgiens appellent ainsi les génies des lieux ; ce sont les Nat des Birmans.