Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/126

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nier des cabots, en passant par le capiston, le yeutenant, le juteux, le doublard et le piédeban ; il narra toutes les histoires de la compagnie dont il se souvint, en inventa d’autres, submergea son camarade sous un flux d’évocations et de réminiscences, tant et si bien qu’il lui fit oublier tout à fait la raison pour laquelle ils s’étaient attablés et lui fit remonter quelques autres bouteilles.

Deux heures avaient passé ; le Carcan, ayant appris qu’il y avait ripaille, s’était amené sous prétexte d’un outil à emprunter et s’était joint à leur chantier ; Théodore, venu pour chercher le Carcan, avait fait de même ; Pigi vint pour un autre motif, et Laugu et toute la bande joyeuse des bons soiffards du pays. Tout à fait lancé maintenant, le gros Léon remplissait et vidait litres sur litres.

Mais Gibus, attiré par l’odeur, s’amena lui aussi, et son apparition subite rappela tout à coup au gros Léon le motif de ces libations. C’est pourquoi il poussa une exclamation énergique en interpellant l’arrivant :

— Canaille ! Pourquoi que tu ne me l’as pas dit, à moi, ousqu’il était ce lièvre ?

— Quel lièvre ? fit Gibus étonné.

— Alors, c’est ce menteur de Zidore qui m’a monté le coup.

— Moi, protesta Zidore, je t’ai dit des blagues ! Jamais de la vie. Gibus va dire si j’ai menti.