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fit en religion, il avait été durant douze ans maire de son village et l’aurait été sans doute plus longtemps encore si une douce philosophie acquise avec les années et un scepticisme non dépourvu certes de quelque élégance ne lui eussent fait résigner ces honorifiques fonctions.

Mais il se flattait, avec une discrétion de bon goût, d’arriver toujours bon premier, sans jamais poser sa candidature, sur la liste quadriennale des conseillers municipaux et il était connu à cinq lieues à la ronde pour sa bonté naturelle et aussi (chacun a ses petits défauts) pour son insolence rare et d’ailleurs sans malice quand les libations trop prolongées l’avaient mis hors de ce qu’on est convenu d’appeler l’état normal.

Car quand le Mousse avait bu un verre de trop, il sortait aussitôt de son naturel paisible et conciliant et devenait agaçant, « rogneur », plus malembouché qu’un toucheur de bestiaux et invectivant sans nul prétexte le premier quidam venu en une série de vocables aussi énergiques qu’invariables dont on riait toujours, car on connaissait ce brave homme.

Le temps avait passé. Dix heures venaient de sonner à la vieille horloge comtoise dont le nombril de verre laissait voir la lentille de cuivre du balancier passer et repasser impitoyablement.

Le Mousse n’était pas rentré.

La Moussotte devenait rageuse. Après avoir