Page:Louise drevet - Dauphiné bon coeur, 1876.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 31 —

Yolande lui fermait dédaigneusement la bouche par ces mots :

— Vous êtes une sotte ! ne m’ennuyez plus !

― Pourtant, Mademoiselle la comtesse, insistait Catherinette, les esprits ça existe, puisqu’on les entend et que c’est eux qui ont empêché notre maître d’établir sa demeurance ici.

― Il est possible qu’ils n’aient pas pu supporter votre maître ; mais moi, c’est autre chose.

Mademoiselle Yolande n’était pas peureuse, il faut le dire à son honneur. On voit aussi qu’elle avait un point de vue tout particulier pour envisager les événements.

Des deux fils du manufacturier, l’aîné surtout, un grand jeune homme de vingt-deux ans, beau, bien fait, instruit de tout ce qui concernait l’industrie paternelle, et doué d’un penchant tout particulier pour les sciences mécaniques, avait trouvé Mademoiselle Yolande bien jolie personne, et n’aurait pas mieux demandé que de la voir se mêler à leur vie de famille. Mademoiselle Yolande se l’était laissé présenter, avait daigné recevoir ses hommages, puis, au bout de quelques jours, avait tout-à-fait oublié qu’il existât. Cette sortie de dédain avait cruellement blessé Victor Louis, et il s’était appliqué à ne jamais plus adresser la parole à la dédaigneuse.

Mais il ne la perdait pour ainsi dire pas de vue. Il aurait pu dire à quelle heure il faisait jour chez elle, à quelle heure elle daignait descendre dans les parterres pour s’y promener, quelles fleurs elle cueillait pour s’en faire des bouquets, à quelle heure aussi elle ouvrait ses romans préférés. Il savait si elle avait déjeuné de bon appétit, si elle avait apprécié certai-