Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/148

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ne disaient pas ce qu’ils ne pensent pas, s’ils ne faisaient pas ce qui, à leurs yeux, n’est pas bien ! La force ne réside pas dans la force physique, mais dans la pensée et dans sa claire et indépendante expression. Cette force spirituelle, toute-puissante, insaisissable et libre, est celle qui apparaît dans l’âme d’un homme lorsque, seul, il songe en lui-même aux événements du monde, puis ensuite, involontairement, expose sa pensée aux personnes avec lesquelles il est lié. Ni les milliards de roubles, ni les millions de soldats, ni les institutions, ni les guerres, ni les révolutions, ne feront jamais ce que peut faire un homme libre lorsqu’il exprime tout simplement ce qu’il croit juste, sans se laisser troubler par ce qui existe et par ce qu’on lui souffle. Un homme libre dira franchement sa pensée et son sentiment au milieu de milliers d’hommes dont la conduite et les paroles expriment tout le contraire. Il semblerait que celui qui dit avec sincérité sa pensée dût rester isolé, mais, le plus souvent, il arrive que tous, ou du moins la plupart des hommes ont depuis longtemps la même pensée et le même sentiment, seulement qu’ils ne les expriment pas. Ainsi, ce qui représentait hier l’opinion d’un seul homme deviendra bientôt celle de la majorité. La conscience d’un seul homme peut éveiller et purifier celle d’un peuple !

L’essentiel, c’est de former l’homme.

Aucune organisation sociale ne donnera à l’homme le bonheur qu’il rêve, si l’homme lui-même n’est pas changé.

L’œuvre première est de former l’homme.