Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tous les premiers rayons du soleil. Tolstoï fut d’abord frappé de stupeur, puis ravi. Il se pénétrait peu à peu de la beauté incomparable qui s’ouvrait à ses yeux et finit par la sentir profondément. Depuis ce moment décisif, tout ce qu’il vit, tout ce qu’il pensa se ressentit du cachet majestueux de ces montagnes.

« C’est maintenant que tu commences à vivre ! » lui murmura à l’oreille une voix mystérieuse. Il sentait en lui un puissant désir de vouloir et d’agir, de se jeter tète baissée dans un abîme, sans trop savoir pourquoi. Il était heureux et fier de cette force inconsciente, de cet élan vers l’inconnu ; il se croyait capable de commencer une nouvelle existence où il n’y aurait ni faute ni repentir et où il trouverait à coup sûr le bonheur.

Le Caucase, dont la nature merveilleuse respire une beauté étrange, produisit sur Tolstoï une influence apaisante. Il se sentait à l’aise au physique et au moral. Les souvenirs avaient disparu ; l’ancienne existence s’effaçait ; il entrait dans une nouvelle phase ; il pouvait, au milieu d’une nouvelle société, » reconquérir sa propre estime et il éprouvait un sentiment de contentement inexplicable. Il se disait qu’il allait jouir en plein de cette vie caucasienne qui lui était entièrement inconnue. Il contemplait le ciel et la chaîne lointaine des montagnes et se pénétrait d’admiration pour les splendides beautés de la nature ; la nouvelle ère avait encore pour lui le charme de l’inconnu.

Tolstoï lisait beaucoup, chassait et ne pensait pas du tout à entrer dans l’armée, mais suivant les con-