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LUCAIN.


et trois vaisseaux semblent encore partir pour Salamine. La Crète, aimée de Jupiter, entraîne au combat les peuples de ses cent villes antiques, Gnosse[1], habile à vider le carquois, et Gortyne, dont la flèche jouterait avec celle du Parthe. Voici les guerriers de la dardanienne Oricon ; et l’Athamas errant, épars dans ses forêts profondes[2] ; et les fils de la vieille Enchelée, dont le nom rappelle la mort et la métamorphose de Cadmus ; et ceux de Colchis, et ceux d’Absyrte, écumante sous les flots de l’Adriatique. Voici le laboureur des plaines qu’arrose le Pénée ; voici le Thessalien, dont la pesante charrue sillonne les rivages scythiques d’Iolcos[3], où la mer reçut le premier outrage, quand la nef grossière des Argonautes, franchissant toutes les barrières pour confondre des nations inconnues l’une à l’autre, mit aux prises la race humaine avec les vents et les ondes courroucées, et vint ajoutera tant de fléaux une nouvelle mort. On déserte l’Hémus[4] de Thrace et Pholoé[5], berceau des fabuleux centaures ; et le Strymon qui, chaque année, envoie les oiseaux de la Bistonie[6], aux sources tièdes du Nil ; et la barbare Coné, où rister, aux mille bouches, vient perdre dans l’Océan ses ondes sarmates, inondant l’île de Peucé. On déserte la Mysie ; Idalis, baignée par la source fraîche du Caïque ; et les guerêts de l’inféconde Arisbé ; et Pitane[7], et Celène[8] qui, châtiée par Apollon vainqueur, déplore le funeste présent de Minerve ; et les bords où le Marsyas aux rives droites, au cours impétueux, rencontre le Méandre vagabond, et remonte avec lui vers sa propre source ; et la terre qui voit le Pactole s’échapper de ses mines d’or ; et les campagnes que traverse l’Hermuse, non moins riche, Ilion, avec ses tristes destinées, vient aussi joindre ces drapeaux, ce camp qui doit périr : elle ne s’inquiète pas de la menteuse origine de César, qui prétend descendre du Phrygien Iule. Le Syrien quitte l’Oronte et Ninive qu’on appelle Heureuse, et Damas battue par les vents, et Gaza, et l’Idumée fière de ses champs de palmiers, et Tyr toujours remuante, et Sidon qu’enrichit la pourpre. Cynosure, guide moins connu des autres vaisseaux, conduit sans détour ceux de Phénicie vers le théâtre de la guerre. Les Phéniciens, si l’on en croit la fable, osèrent les premiers éterniser la parole par de grossiers emblèmes. Memphis ne savait pas encore tisser les roseaux du Nil : des oiseaux, des bêtes fauves, des quadrupèdes, gravés sur la pierre, étaient le seul dépôt de cette langue mystérieuse. Les peuples arrivent des forets du Taurus, de Tarse[9], bâtie par Persée, et de l’antre de Corycie, dont le granit rongé présente une large ouverture. Mallos, Œga[10], au fond de son golfe, retentissent des apprêts

  1. Ville de Crète.
  2. Peuple de l’Épire.
  3. Ville de Thessalie.
  4. Monts Balkans.
  5. Montagne d’Arcadie.
  6. La Thrace.
  7. Ville de la province de Laodicée.
  8. Patrie de Marsyas.
  9. En Cilicie.
  10. Villes de Cilicie.