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LUCAIN.

sont pas les principes de la vie, devient bientôt la proie du trépas ; mais à la place où se gonfle le poumon, où brûlent les entrailles, la vie résiste plus longtemps : après une longue lutte avec cette moitié d’homme, la mort en triomphe à peine (7).

Trop ardent à la bataille, tout l’équipage d’un vaisseau pèse sur le bord qui penche et laisse vide le flame qui n’a pas d’ennemis ; le vaisseau chavire sous Le poids, se renverse, et couvre de sa profonde carène les flots et les combattants : ceux-ci, ne pouvant déployer leurs bras sur l’espace des flots, périssent dans cette mer emprisonnée. On vit alors un exemple unique parmi les plus horribles morts. Deux proues, se heurtant, frappent de leurs éperons un malheureux qui nage. À ce choc terrible, sa poitrine s’entr’ouvre : ses membres, ses os broyés n’empêchent pas l’airain de retentir ; son ventre est écrasé ; de sa bouche il rejette ses entrailles mêlées d’un sang noir ; et, quand la rame écarte les vaisseaux et ramène les proues, le cadavre tombe, et l’onde ruissèle dans la plaie de sa poitrine transpercée.

Une foule de naufragés, luttant contre la mort de toute la force de leurs bras, nagent, en demandant asile, vers une de leurs galères : mais, quand ils s’accrochent à ces bords dont on les repousse, quand le navire chancelle et va s’engloutir sous Le poids des nouveaux hôtes, d’en haut la hache impie vient trancher tous ces bras. Lassant leurs tronçons suspendus à là galère phocéenne, les malheureux tombent séparés de leurs mains, et le gouffre ne soutient plus à la surface des ondes le fardeau de ces corps mutilés.

Cependant les soldats ont épuisé tous leurs traits, et la fureur invente des armes. Les uns chargent les ennemis à coups de rame ; les autres de leurs bras robustes balancent la queue de la proue et renversent les bancs des rameurs qui volent en tournoyant dans les airs : on brise les vaisseaux pour combattre, foulant sous leurs pieds les cadavres qui s’affaissent, ils les dépouillent du fer dont ils sont percés. Beaucoup, manquant de javelots, arrachent le fer de leurs plaies et pressent de la main gauche leurs entrailles ouvertes. Que le sang leur laisse encore la force de renvoyer à l’ennemi sa flèche homicide, et qu’il s’écoule ensuite !

Mais aucun fléau ne fait plus de ravages sur cette vaste plaine, que l’élément contraire à l’océan. Le feu s’attache à des torches épaisses, et répand au loin le soufre ardent qu’elles recèlent : les vaisseaux leur offrent une proie facile, et la poix et la cire qui coulent sur leurs flancs sont un aliment que dévore l’incendie. L’onde ne peut vaincre la flamme, et des navires brisés dans le combat le feu rongeur poursuit les débris épars sur les flots. L’un reçoit la vague dans sa galère pour éteindre l’incendie : d’autres, pour ne pas être engloutis, s’accrochent

At tumidus qua pulmo jacet, qua viscera fervent,
Hæserunt ibi fata diu, luctataque multum
Hac cum parte viri vix omnia membra tulerunt.

Dum mimiun pugnax unius turba carinæ
Incumbit prono lateri, vacuamque relinquit,
Qua caret hoste, ratem : congesto pondere puppis
Versa, cava texit pelagus nautasque carina :
Brachia nec licuit vasto jactare profundo,
Sed clauso periere mari. Tunc unica diri
Conspecta est leti facies, quum forte natantem
Diversæ rostris juvenem fixere carinæ.
Discessit medium tam vastos pectus ad ictus.
Nec prohibere valent obtritis ossibus artus,
Quo minus æra sonent : eliso ventre, per ora
Ejectat saniem permixtus viscere sanguis.
Postquam inhibent remis puppes, ac rostra reducunt,
Dejectum in pelagus perfosso pectore corpus
Vulueribus transmisit aquas. Pars maxima turbæ
Naufraga, jactatis morti obluctala lacertis,
Puppis ad auxilium sociæ concurrit, at illi
Robora quum vetitis prensarent aretius ulnis,
Nutaretque ratis, populo peritura recepto,
Impia turba super medios ferit ense lacertes :
Brachiu linquentes Graia pendentia puppe,
A manibus cecidere suis : non amplius undæ
Sustinuere graves in summo gurgite truncos.
Jamque omni fusis nudato milite telis,
Invenit arma furor : remum contorsit in hostem
Alter ; at hi tortum validis aplustre lacertis
Avulsasque rotant excusso remige sedes.
In pugnam fregere rates : sidentia pessum
Corpora cæsa tenent, spoliantque cadavera ferro.
Multi inopes teli, jaculum letale revulsum
Visceribus traxere suis, et vulnera læva
Oppressere manu, validos dum præbeat ictus
Sanguis, et hostilem quum torserit, exeat, hastam

Nulla tamen plures hoc edidit æquore clades,
Quam pelago diversa lues : nam pinguibus ignis
Adfixus tædis, et tecto sulfure vivax
Spargitur : at faciles præbere alimerta carinæ
Nunc pice, nunc liquida rapuere incendia cera.
Nec flammas superant undæ : sparsisque per æquor
Jam ratibus, fragmenta ferus sibi vindicat iguis.
Hic recipit fluctus, exstinguat ut æquore flammas :
Hi, ne morgantur, tabulis ardentibus hærent.
Mille modos inter leti, mors una timori est,