Page:Lucien - Œuvres complètes, trad. Talbot, tome I, 1866.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
201
LES SECTES À L’ENCAN.

Pythagore. Attention ! ce que tu crois être quatre, c’est dix[1], c’est le triangle parfait, c’est notre serment[2] !

Le marchand. J’en jure par quatre, le grand serment, je n’ai jamais ouï langage plus divin et plus sacré !

Pythagore. Ensuite, étranger, tu sauras ce que c’est que la terre, l’air, l’eau et le feu ; quelle est leur forme, leur mouvement naturel, et comment ils se meuvent.

Le marchand. Quoi ! le feu, l’air et l’eau ont donc une forme ?

Pythagore. Certainement, et très visible ; autrement, sans forme et sans apparence, ils ne pourraient pas se mouvoir. De plus, tu sauras que la divinité est un nombre et une harmonie.

Le marchand. Voilà qui est étonnant.

[5] Pythagore. Et quand je t’aurai expliqué tout cela, tu sauras que tu n’es pas un, comme tu le penses, mais un autre que celui que tu crois être et que tu parais.

Le marchand. Que dis-tu là ? Je suis un autre, et ce n’est pas moi-même qui converse avec toi ?

Pythagore. Actuellement c’est toi-même, mais autrefois tu as paru dans un autre corps et sous un autre nom : par la suite, tu passeras encore dans un autre être.

Le marchand. Tu veux dire que je serai immortel, passant ainsi de forme en forme ? Mais en voilà assez sur ce propos.

[6] Passons à ta manière de vivre : quelle est-elle ?

Pythagore. Je ne mange rien qui ait eu vie ; tout le reste m’est permis, sauf les fèves.

Le marchand. Pourquoi cela ? ne les aimes-tu pas ?

Pythagore. Je les aime ; mais elles sont sacrées, et leur nature est merveilleuse. Et d’abord elles sont toute génération.

  1. L’addition des quatre premiers nombres donne, en effet, le nombre 10 : 1+2+3+4=10.
  2. Le triangle parfait n’est autre que le triangle équilatéral, que Pythagore représentait de cette manière :
    •    •
    •    •    •
    •    •    •    •

    Chacun des côtés se compose du nombre quatre, qui servait aux Pythagoricien de formule de serment. Le voici tel qu’il existe dans les Vers dorés :

            Ναί μά τόν άμτέρα φυχᾶ παραδόντα τετρακτίν
            Πγάς άεννάου ριζώματ έχουσαν

    « J’en jure par celui qui donne à notre âme le quaternaire, source éternelle des principes de la nature ! »