Page:Lucien - Œuvres complètes, trad. Talbot, tome I, 1866.djvu/428

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29. Nous voguons ensuite une nuit et un jour ; et, vers le soir, nous arrivons à Lychnopolis, après avoir dirigé notre course vers les régions inférieures. Cette ville, située dans l’espace aérien qui s’étend entre les Hyades et les Pléiades, est un peu au-dessous du Zodiaque. Nous débarquons, et nous n’y trouvons pas d’hommes, mais des lampes, qui se promenaient sur le port et dans la place publique. Il y en avait de petites, apparemment la populace, et quelques-unes, les grands et les riches, brillantes et lumineuses. Elles avaient chacune leur maison, je veux dire leur lanterne, et chacune leur nom, comme les hommes ; nous les entendions même parler. Loin de nous faire aucun mal, elles nous offrent l’hospitalité. Mais nous n’osons accepter, et personne de nous n’a le courage de souper et de passer la nuit avec elles. Le palais du roi est situé au milieu de la ville. Le prince y est assis toute la nuit, appelant chacune d’elles par son nom. Celle qui ne répond pas est condamnée à mort pour avoir abandonné son poste. La mort, c’est d’être éteinte. Nous nous rendons au palais pour voir ce qui s’y passait, et nous entendons plusieurs lampes se justifiant et exposant les motifs pour lesquels elles arrivaient si tard. Je reconnus parmi ces lampes celle de notre maison : je lui demandai des nouvelles de ma famille, et elle satisfit à mes questions. Nous passons là le reste de la nuit. Le lendemain, nous repartons, nous nous rapprochons des nuages et nous découvrons la ville de Néphélococcygie : sa vue nous frappe d’admiration ; mais nous n’y pouvons aborder, contrariés par le vent. Le roi régnant est Coronus, fils de Cottyphion. Je me rappelai en ce moment ce que dit de cette ville Aristophane, poëte grave et véridique, et je trouvai qu’on a tort de ne pas croire à ses assertions. Trois jours après nous aperçûmes distinctement l’Océan, mais aucune terre, si ce n’est celles qui sont dans les régions célestes, et déjà même elles prenaient à nos yeux une couleur de feu des plus éclatantes, lorsque, le quatrième jour, vers midi, le vent s’étant calmé et étant tombé tout à fait, nous redescendîmes sur la mer.

30. À peine avons-nous touché l’eau salée, qu’il fallait voir notre joie, nos transports d’aise ! Nous nous abandonnons à toute l’allégresse d’un pareil instant, et, nous jetant à la mer, nous nous mettons à nager. Le temps était calme, la mer tranquille. Mais souvent le retour au bonheur n’est que le présage