Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
LE FINANCIER RABEVEL

— Excusez-moi de vous avoir fait attendre, dit-il, avec une pointe d’accent. À qui ai-je l’honneur de parler ?

Ils se nommèrent, présentèrent Monsieur Tagnès ; ils avaient craint, dirent-ils, d’avoir besoin d’un interprète.

— Ah ! dit Ramon avec une joie parfaitement jouée, habla usted castillan ?

Ils entreprirent une conversation en espagnol où se croisaient les exclamations de surprise.

— Mais votre ami est extraordinaire ! s’écria Ramon. Il connait le Tout-Caracas ; et quelle mémoire ! Et mon père, et ceux de mes amis, sont ses clients. Enfin nous voilà en pays de connaissance. Comme c’est curieux. Si je n’avais pas fait mes études en France je vous aurais certainement vu dans mon pays ! Il est même étonnant que je ne vous y aie pas rencontré pendant mes vacances ! Mais nous bavardons, nous bavardons… Venons aux choses sérieuses. Voici où nous en sommes. Notre société est jeune ; elle n’a que de l’argent et pas de matériel ; elle est la filiale d’une grosse société d’engrais que les armateurs anglais tondent jusqu’au sang et qui veut se délivrer de leur tutelle ; elle a donc décidé de faire elle-même ses transports sur la ligne Caracas-Glasgow ; fret d’aller : les guanos, fret de retour : le charbon. Ces marchandises ne sont pas pressées ; donc, il faut aller au voyage économique c’est-à-dire au voilier. Êtes-vous vendeurs, comme on nous l’a dit ?