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LE MAL DES ARDENTS

trouvez-vous ce petit vin ? Il vient du coteau que nous surplombons ; c’est sec, dur au palais, ça n’a pas son pareil pour contenter un gosier d’homme et pour lui assassiner les pattes. Ah ! le pays ne serait pas mauvais si on voulait. Il ne faudrait que de l’eau pour le faire boire à sa soif.

Ils se levèrent. Rose et Angèle desservirent avec diligence : « Voulez-vous aller faire un tour ? proposa Mauléon.

— Mais volontiers.

— Vas-y aussi, dit la tante à Angèle, tu prendras un bol d’air. Ne te fatigue pas surtout. » Ils sortirent. Pays d’églogue, un peu âpre, pensait le jeune homme, pays rude mais sain.

— Les gendarmes ne doivent pas avoir beaucoup de travail ici, hein ?

— Quelle question ! mais comme partout, je pense. On n’assassine pas, on ne vole pas. Des chapardages de temps en temps, des coups quelquefois pour une fille, quelques ivrognes les jours carillonnés. Qu’est-ce que vous voulez de plus ? Eh ! c’est bien assez, pardieu !

Des paysans les croisaient, solides, carrés, de forte race. Ils saluaient, en passant, à la mode ancienne : « À Dieu soyez ! » Quel pays ! L’atmosphère pure, le soleil brillant, l’air vif, l’eau légère ; un paradis, si l’homme pouvait concevoir le paradis autrement que dans la mollesse et dans l’oisiveté.

Une psalmodie interrompit leur conversation : ils virent par le porche de la Commanderie un cortège qui défilait.