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LE MAL DES ARDENTS

— Nous sommes des privilégiés, nous tous qui vivons ici, pas vrai ? demanda Mauléon.

— je le crois bien !

— Tenez, la petite maison à volets verts là, c’est celle de ma sœur, la tante Rose qui habite avec nous depuis la mort de ma femme, ça fait dix-sept ans. Plus tard, il faudra probablement qu’Angèle s’y installe.

— Comment ça ?

— Vous ne savez donc pas que j’ai cinq enfants ? c’est ainsi, oui. L’aîné, Jérôme, est percepteur à Sartène ; le second, Pierre, est adjudant de Coloniale en Algérie ; Jeanne, qui vient après, est mariée à un propriétaire du côté de Rodez ; le quatrième a tiré un mauvais numéro, il doit être de votre âge…

— Je suis de la classe 85 », dit Bernard ; il se rappelait le jour où, comme étudiant en théologie il avait obtenu son exemption : fraude involontaire, la première.

— Lui aussi, il est soldat de la ligne à Grenoble. Quand il va revenir, il voudra prendre femme ; il a déjà choisi, la seconde fille d’Esquillat, le buronnier, tu sais qui je veux dire, Angèle ? il l’emmènera chez nous : la maison suit la terre. Alors, Angèle s’installera dans la petite maison aux contrevents verts, avec la tante Rose… et l’héritier ? Elle pourra rêver à son aise, ma bachelière, elle sera bien là…

Des femmes battaient le chanvre sur la placette ; une vieille roulait sa quenouille, poissait son étoupe, des enfants