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LE MAL DES ARDENTS

rapportait à son foyer un cœur calme mais distrait. Il avait appris sans choc la naissance d’Olivier Régis, fils d’Angèle, ce fils qu’elle avait conçu de lui à Saint-Cirq au temps de leurs amours ; la mort des vieux Rabevel, la naissance de Marc Rabevel, fils de Noë, le laissèrent indifférent. Deux ans après, en 1889, lui-même devenait père d’un petit Jean sans que son cœur tressaillit. La première messe d’Abraham Blinkine, le retour de François en congé pour quelques mois, la mort du Père Régard et de Lazare ne le touchèrent pas davantage. La douce Reine avait souffert d’abord de cette obsession du travail qui le faisait indifférent à tout ce qui n’était pas ses affaires mais la parole de sa belle-mère lui revint et s’imposa à son esprit : « Craignez pour lui le désœuvrement ». Elle se résigna. L’ardeur des grandes amours lui était refusée, mais elle sentait tout de même l’affection de son mari ; il lui offrait tout ce qu’elle souhaitait : robes, bijoux, livres, argent. Il lui témoignait de la tendresse ; il lui avait donné une petite chose vivante à chérir ; que demander de plus à la vie ? Elle allait quelquefois le chercher à son bureau où il semblait, par la vivacité des ordres et de la colère une sorte de génie déchaîné ; tour à tour silencieux, attentif, mielleux, grognon ou furieux elle le voyait vivre d’une vie dévoratrice, aux prises avec tous les hommes, amis, serviteurs ou adversaires qui collaboraient de gré ou de force à sa fortune. Et quand il rentrait avec elle, absorbé encore dans des méditations muettes