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LE MAL DES ARDENTS

prévu, ne prononçait pas une parole qu’il n’eût pesée. Il s’appliqua à faire briller le gros homme et à paraître laisser filtrer malgré soi une admiration dont l’expression brutale eût mis celui-ci en éveil ; il se rendit compte avec espoir qu’il ne déplaisait pas. Mais, à la fin du repas :

— Il est habile, ce jeune homme, dit Mr. Mulot en pelant une poire, il est habile. Il a réussi fort subtilement à me faire parler, briller, à témoigner cette admiration presque inapparente qui est la seule flatterie intelligente. Il est habile…

Bernard percé à jour, décontenancé, trembla.

— On va le garder ; c’est un garçon précieux. Vous me disiez, mon cher Blinkine, que d’après son professeur il a une instruction et une volonté extraordinaires.

— Oui, le Frère Maninc que j’ai vu tout à l’heure et chez qui défile tout le monde de la finance en quête d’employés me disait qu’il connaissait à Paris peu d’administrateurs quinquagénaires qui eûssent l’acquis, la sûreté et la promptitude de décision de ce jeune homme.

— Il ne rougit même pas, fit Mulot, c’est bien ça. Je serais d’avis de l’envoyer tout de suite, pour l’essayer, à nos asphaltières du Centre ; il pourrait partir dès demain ; il y restera le temps qu’il faudra. Demain, dans la matinée, venez au bureau de Mr. Blinkine. Nous vous donnerons les instructions nécessaires. C’est donc entendu. Reste la question des appointements. Pour débuter, trois cent cinquante francs par mois, nous verrons ensuite. Évidem-