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LA JEUNESSE DE RABEVEL

monde de chez Bordes afin de fuir toute complication.

— Tout cela n’est guère limpide, conclut Blinkine. Enfin, moi, je veux bien…

La voiture s’arrêta peu après. — « Dis au cocher de t’attendre au coin de la rue, souffla Bernard tandis qu’Abraham descendait. Comme le fiacre repartait, il entendit le bruit de la grille qui s’ouvrait et une voix, ah ! la chère voix qui lui fendit le cœur, une voix bien connue qui s’écriait :

— Quelle heureuse surprise ! et moi qui allais sortir !

— J’ai de la chance, conclut-il. La voiture s’était mise en station au bord du trottoir. Il s’installa commodément et se mit à rêvasser ; il revoyait Angèle ; il repassait tous les moments d’autrefois. Ah vivre avec elle, toujours ! qu’allait-il tenter ! il ne percevait pas la fuite du temps. Et il ne put s’empêcher de dire « Déjà ! » lorsque, au bout d’une heure et demie, Abraham ouvrit la portière et s’assit auprès de lui en disant :

— C’est fait ; tu n’avais pas menti : elle m’a montré le télégramme de Garial ». Il ajouta d’un ton amicalement moqueur : « Naturellement, elle prendra l’express de ce soir. Elle est aux anges ».

Elle est aux anges ! Rabevel eût tué son ami pour ce mot.

Avec quelle impatience frénétique il attendit le soir !

L’express partait d’Austerlitz à neuf heures. Il dîna à six heures. Dès sept heures un quart, muni de son billet, il se dissimulait dans un coin obscur des salles d’attente,