Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/130

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des fosses et du feu, (5, 1250) avant qu’on n’eût des filets pour entourer les bois, et des chiens pour les battre.

Au reste, quelle que fût la cause de ces embrasements qui, avec un bruit horrible, dévoraient les forêts jusque dans leurs racines, et dont les feux cuisaient en quelque sorte la terre, de ses veines brûlantes jaillissait un ruisseau d’argent et d’or, de plomb et de cuivre, qui s’amassait dans les cavités du sol. Plus tard les hommes, voyant la masse coagulée reluire sur la terre, l’enlevaient, saisis par le charme d’un aspect brillant et lisse. Et comme ils la voyaient aussi empreinte de la même forme (5, 1260) que les cavités dont elle portait la trace, il leur vint dans l’idée que, fondue à la chaleur, elle saurait prendre toutes les apparences et courir d’un état à un autre ; qu’à force de la battre, il était possible d’en allonger le bout en pointes aiguës, d’une extrême finesse ; qu’elle servirait ainsi d’armes ou d’instruments pour abattre les forêts, polir les matériaux, équarrir et raboter le bois, ou le creuser, le percer et le fendre.

On destinait d’abord au même usage l’or et l’argent, aussi bien que la robuste matière et la dévorante énergie du cuivre ; (5, 1270) mais en vain : leur puissance fléchissait vaincue par l’effort, et ils étaient moins propres à essuyer la dure fatigue. Aussi le cuivre fut-il estimé davantage ; et l’or gisait à l’écart, à cause de son inutilité, lui dont le tranchant s’émoussait au moindre choc. Aujourd’hui le cuivre est déchu à son tour, et l’or lui a ravi ses premiers honneurs ; tant la révolution des âges change la destinée des choses ! Celle qui avait du prix voit le terme de sa gloire : une autre lui succède, et jaillit de la fange ; plus enviée chaque jour, et brillante d’éloges que sa possession attire, elle jouit d’un merveilleux éclat parmi les hommes.

(5, 1280) Maintenant, comment la substance du fer fut-elle découverte ? Tu peux sans peine, cher Memmius, le démêler toi-même.

Les premières armes furent les mains, les ongles, les dents, et aussi des pierres ; des fragments d’arbres, des branches ; puis, quand on eut connu la flamme, le feu, on trouva bientôt le fer et le cuivre. Le cuivre précéda le fer : on l’employa d’abord, parce que la nature en est plus souple, et la masse plus abondante. On travaillait le sol avec le cuivre ; avec le cuivre on soulevait les tempêtes de la guerre, on semait au loin de larges blessures, (5, 1290) on ravissait les troupeaux et les champs ; car tout être nu et sans armes cédait facilement à des mains armées. Ensuite l’épée de fer s’introduisit peu à peu ; la faux d’airain ne fut plus que la forme honteuse d’un instrument impur : on se mit à déchirer les campagnes avec le fer, et le sort des batailles flotta sous des chances égales.

On sut monter en armes sur les flancs du cheval, plier son essor au frein, et combattre de la main droite, avant de se hasarder aux périls de la guerre sur un char à deux coursiers ; et on les attela par couples, avant de joindre deux couples ensemble, (5, 1300) avant de bondir tout armé sur un char muni de faux. Puis les éléphants chargés de tours, monstres énormes qui ont pour main un serpent